L’image de la branche et la qualité de la formation vantées par les apprentis

Organisé par Hotel & Gastro Union, le baromètre des apprentis livre un constat rassurant mais ambivalent.

Les bonnes nouvelles pour commencer: la grande majorité des apprentis ont une opinion favorable de leur apprentissage et portent un jugement positif sur le niveau de qualification de leur maître d’apprentissage. L’entreprise au sein laquelle ils évoluent consacre suffisamment de temps à la formation et le climat de travail y est généralement bon. L’image de la branche est elle aussi globalement bonne: 14% seulement des personnes interrogées la jugent insatisfaisante ou mauvaise. Tout aussi réjouissant est le fort taux de participation à ce sondage organisé depuis 2004 par Hotel & Gastro Union; plus de 4000 apprentis y ont répondu, ce qui représente la moitié de tous les apprentis du pays. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes? La réalité, en fait, est plus contrastée.

L’étranger en ligne de mire

A la question de savoir s’ils comptent travailler dans la branche à l’issue de leur formation initiale, la moitié seulement des apprentis dit l’envisager assurément ou probablement. Cela signifie concrètement qu’un jeune sur deux quitte l’hôtellerie-restauration après son apprentissage, une réalité d’autant plus douloureuse que le secteur manque cruellement de main-d’œuvre qualifiée.

Un état de fait jugé même «dévastateur» par de nombreux experts. «C’est un investissement sans retour», résume Max Züst, directeur de Hotel & Gastro formation. Autrement dit, un investissement inutile, la branche formant des apprentis qui se tournent ensuite vers d’autres secteurs d’activité. Quant à l’explication de ce phénomène, l’économiste Rudolf Strahm la trouve dans les salaires relativement bas pratiqués dans l’hôtellerie-restauration et les conditions de travail souvent jugées astreignantes. Un constat que Stefan Unternährer, secrétaire général adjoint de Hotel & Gastro Union, ne peut que partager, lui qui conduit la délégation des organisations syndicales lors des négociations en lien avec la Convention collective nationale de travail (CCNT). «Si les salaires de l’hôtellerie-restauration et de la boulangerie-pâtisserie-confiserie sont trop bas, les bons éléments cherchent naturellement un autre débouché. C’est pourquoi nous militons en faveur d’une rétribution conforme aux conditions du marché.».

La profession n’est toutefois pas dénuée d’atouts. «Dans aucune autre branche il n’est aussi facile d’aller travailler à l’étranger», relève Luc Liebster, qui vient de terminer son apprentissage de cuisinier et qui est en lice pour les Swiss Skills qu’il espère bien entendu remporter. La suite de son parcours, il l’imagine à l’étranger, et, dans ce sens, il est comme la majorité des professionnels interrogés (deux sur trois envisagent cette option), d’où l’intérêt du programme «Ambassadeurs» mis sur pied par la Société suisse des cuisiniers (lire encadré).

Intérêt pour la formation continue

 Les jeunes apprentis ne veulent pas seulement partir à l’étranger, ils s’intéressent à la formation continue. Un sur trois prévoit en effet de passer un examen professionnel, tandis qu’un sur deux se dit prêt à l’envisager, ce qui réjouit Urs Masshardt, secrétaire général de Hotel & Gastro Union: «Nous nous engageons pour que davantage de jeunes suivent cette voie, et, dans cette optique, nous pouvons compter sur l’attractivité des formations financées en partie par la CCNT. Un avantage que l’on doit aux membres de notre société professionnelle.»

Mario Gsell 
Adaptation: Patrick Claudet

Travailler à l’étranger?

La Société des cuisiniers apporte son soutien Sous le nom de code «Ambassadeurs», les membres de Hotel & Gastro Union bénéficient d’un soutien de la Société suisse des cuisiniers dans leur démarche visant à travailler à l’étranger.
<link http: www.ambassadoren.ch>www.ambassadoren.ch

L’avis des experts

Que pensez-vous du fait que la moitié des apprentis quitte la branche après leur formation?
Max Züst: Cela représente un investissement sans retour qui pénalise durement le secteur de l’hôtellerie-restauration, alors qu’il serait dans notre intérêt de les retenir pour qu’ils contribuent à la valorisation de nos métiers. Or, il est de notoriété publique que beaucoup de jeunes gens quittent la branche avec un CFC pour devenir d’excellents éléments dans d’autres secteurs d’activité. Améliorer les conditions d’apprentissage serait un pas dans la bonne direction: celui ou celle qui garde un bon souvenir de sa formation initiale continuera plus volontiers sur sa lancée. Tout le monde y serait gagnant, y compris les entreprises.

Rudolf Strahm: Dans la restauration et la restauration collective, 36% des contrats d’apprentissage sont rompus, ce qui ne plaide pas en faveur de la branche. Trois mesures pourraient selon moi inverser la tendance: premièrement, améliorer la prise en charge des jeunes pendant l’apprentissage; deuxièmement, mieux les préparer à leur formation initiale; troisièmement, encadrer ceux qui interrompent leur parcours pour les diriger par exemple vers une formation AFP. Reste que la situation est aussi liée aux conditions salariales et de travail, ainsi qu’à l’image de la branche.