Pasquale Altomonte, le self-made-cook qui monte

Cuisinier autodidacte, le Genevois d’adoption s’est formé auprès de plusieurs pointures de la gastronomie et a participé à 20 concours en l’espace de cinq ans.

Pasquale Altomonte est membre de Hotel & Gastro Union à travers la Société suisse des cuisiners dont il apprécie le soutien apporté à la formation. (DR)

Si le troisième sacre de Thomas Bissegger a marqué les esprits lors de la récente finale de la Swiss Culinary Cup (SCC), le concours national organisé par la Société suisse des cuisiniers, la performance d’un cuisinier romand de 38 ans s’est elle aussi démarquée de celle de ses concurrents. A l’issue de l’épreuve, Pasquale Altomonte s’est vu attribuer par le jury présidé par Werner Schuhmacher un prix spécial pour la qualité de ses plats de poisson et viande, et le caractère exceptionnel de son parcours. Lors de la remise des prix, le principal intéressé n’a pas tout de suite compris ce qui se passait – il parle quatre langues, mais pas encore l’allemand –, et ce n’est que lorsque les membres du jury sont venus le féliciter tour à tour qu’il a saisi le caractère exceptionnel de la distinction. Un grand moment d’émotion, dit-il.

Une carrière d’ingénieur

Chef de partie auprès d’une banque privée genevoise, le cuisinier qui a grandi dans le New Jersey a embrassé la profession sur le tard et s’est formé sur le tas, multipliant les stages auprès de chefs renommés et enchaînant par la suite les mandats temporaires pour acquérir les bases du métier. Rien, pourtant, ne laissait présager dans le parcours de cet ancien ingénieur en sécurité routière une reconversion aussi spectaculaire. «Enfant, j’étais sans arrêt en train de bricoler, occupé à démonter tous les objets qui me passaient entre les mains. Puis, au moment de choisir une profession, j’ai opté pour la filière de l’ingéniérie en sécurité routière car je savais qu’il y avait des débouchés dans ce secteur.» Durant 11 ans, il travaille donc pour l’Etat du New Jersey en suivant parallèlement une formation de management. «Aux EtatsUnis, les instances publiques ont la mission de recruter des collaborateurs en faisant abstraction de leurs compétences linguistiques. Mon rôle consistait à veiller à ce que les nouvelles recrues s’intègrent quel que soit leur niveau d’anglais, d’où l’utilité de maîtriser plusieurs langues.»

En plus de l’anglais, Pasquale Altomonte parle en effet le français, l’italien et l’espagnol, sans oublier le vietnamien qu’il est en train d’apprendre avec son épouse Dao Nguyen. Son aisance avec les langues explique non seulement qu’il veuille aujourd’hui se mettre à l’allemand – «ma participation à la SCC m’a convaincu que je devais en faire ma priorité» –, mais aussi qu’il se soit parfaitement intégré dès son arrivée en Suisse. Ce nouveau départ coïncide d’ailleurs avec sa volonté de changer d’orientation professionnelle. Pourquoi la cuisine? «J’ai toujours aimé ça, et, ayant grandi dans un pays multiculturel comme les Etats-Unis, j’ai très vite compris que la table est l’endroit où les gens de tous les horizons peuvent se retrouver et échanger. Pour autant, je ne m’étais jamais imaginé me lancer dans la restauration, même si c’est un secteur dans lequel j’ai travaillé pour financer mes études.»

De nombreux stages

Une fois en Suisse, il commence par animer un stand de restauration rapide sur la plaine de Plainpalais, à Genève, et ce pour confronter ses aspirations à la réalité du terrain. L’essai est concluant et l’encourage à chercher des mandats temporaires. «Vu mon manque d’expérience, j’ai essuyé de nombreux refus», reconnaît-il. Qu’à cela ne tienne: il participe à des concours de cuisine pour amateurs et prend contact avec des chefs pour décrocher des stages. Et pas des moindres: «Je me suis notamment tourné vers Pierrot Ayer et Pierre Gagnaire. Au début, bien sûr, ils ne voulaient pas entrer en matière étant donné que je n’avais suivi aucune formation de cuisinier. Puis, à force de participer à des concours et multiplier les expériences professionnelles, mon insistance a fini par payer. Dans le cas de Pierre Gagnaire, j’ai quand même attendu plus d’une année, mais l’expérience a été formidable, tout comme celle chez Pierrot Ayer dont j’ai été touché par la grande générosité avec laquelle il m’a accueilli.» Après quelques stages, Pasquale Altomonte franchit le pas et s’inscrit comme cuisinier dans une agence de placement. Il démarre tout en bas de l’échelle et, encouragé par les commentaires élogieux des chefs auprès de qui il travaille, il gravit les échelons jusqu’à décrocher un contrat à durée indéterminée dans la banque privée où il est aujourd’hui chef de partie.

Parallèlement, il participe à des concours destinés cette fois aux professionnels, dont la demi-finale du Cuisinier d’Or et le Grand Prix Joseph Favre l’an dernier. Un parcours sans faute ponctué par une victoire avec son épouse lors des deux dernières éditions du Concours international de cuisine note à note, lancé notamment par le chantre de la cuisine moléculaire Hervé This et visant à créer des aliments à base de composés purs.

«Cette passion pour la cuisine note à note que je partage avec ma femme n’éclipse pas mon amour des produits du terroir; elle permet au contraire de les sublimer et vise à en capturer la quintessence, ce qui résume ma démarche culinaire.»

(Patrick Claudet)


Davantage d’informations:

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