Edgard Bovier prêt pour de nouvelles aventures

En 17 ans, le charismatique chef étoilé a imprimé sa signature méditerranéenne à la table portant son prénom et bien au-delà.

Edgard Bovier bouclera le 27 juin son dernier service à Lausanne. (DR)

Si on ne devait retenir qu’un ou deux plats en guise de signature et de pirouette finale, ce serait assurément un plat annonciateur des beaux jours, tel son loup de mer à l’anis, petits artichauts violets et févettes. Ou peut-être ses fleurs de courgettes farcies extras. Et tout autour, ces merveilleux parfums de la Riviera, huile d’olive, citron de Menton ou maquis corse que distillaient sa cuisine et sa présence même. Edgard Bovier était au fond l’alter ego en Suisse de son ami et collègue Dominique Le Stanc (La Merenda et ex Negresco à Nice).

Projets «plus personnels»

Comme ce dernier à son heure, Edgard s’apprête à quitter un univers de luxe pour «des projets plus intimistes et personnels». Aussi fou que cela puisse paraître à ces privilégiés sur qui l’âge n’a pas prise, le chef valaisan prend sa retraite «officielle» du Lausanne Palace & Spa. Edgard Bovier bouclera le 27 juin prochain son dernier service à la table qu’il a baptisée de son prénom, auréolée d’une étoile Michelin et de 18 points au guide Gault & Millau. Issu d’une dynastie de restaurateurs valaisans, Edgard restera à sa façon un homme de palaces, au sourire malicieux et à l’élégance atemporelle; enraciné dans un univers de luxe, il en fréquente les habitués avec le plus grand naturel, de Liza Minnelli aux Burton-Taylor ou à David Niven, à Lausanne ou ailleurs, notamment à Gstaad. Il grandit au Buffet de la Gare de St-Léonard, ses deux parents triment dur pour porter haut le café familial – cuisine traditionnelle, plats du jour, atriaux et saucisses –, toute la fratrie optera in fine pour les métiers de la restauration.

Très jeune déjà, la voie de la cuisine est une évidence – mais Edgard entend «pouvoir s’exprimer sans limites et sans frontières», sans être bridé par le quotidien, la gestion d’une petite entreprise et ses affres administratives. Il entre en apprentissage à Sion, s’initie aux bases et aux grands classiques, lit la vie d’Escoffier et de César Ritz, rêve aux riches heures des palaces. 

Pour gagner son billet d’entrée dans ce monde-là, il finit premier apprenti du canton, et son patron lui décroche une place au Palace de St-Moritz. A 19 ans, le voilà parti avec sa petite mallette, ouvrant de grands yeux devant les bisques de homard («on filtrait tout et on jetait le résidu!»), les filets Wellington et les réductions au chablis, le faste et les extravagances… La brigade compte 50 personnes et il y fait son deuxième apprentissage. Six saisons dans les Grisons, et le chef valaisan volète de la Méditerranée au Proche-Orient: Corfou et Rhodes dans des palaces de la famille Gauer, déjà, Bahreïn, le Chésery puis l’Olden de Gstaad, et surtout la découverte éblouie des voluptés de la cuisine méditerranéenne, auprès de Dominique Le Stanc, alors chef du Negresco, à Nice.

Un plat emblématique

Ce sera ensuite L’Ermitage de Küsnacht, cette autre «Côte dorée alémanique», où le jeune chef fait vite des étincelles. Dans la Zurich des années 1990, le prescripteur de tendances et grand-maître du guide Gault & Millau se nomme Silvio Rizzi. L’œil plissé de malice, Edgard racontait ainsi la rencontre avec ce personnage droit sorti de Ratatouille. «A peine arrivé, il m’a dit, il y a deux choses que je n’aime pas chez vous: les restaurants installés au premier étage et la cuisine des hôtels!» Là-dessus, le grand jeu et la rédemption du cuisinier d’hôtel passeront par son plat fétiche de l’époque: les langoustines, tête de veau en vinaigrette de févettes… De quoi faire tomber cul par-dessus tête le GastroPaps et mettre sa carrière en orbite. Bien des années plus tard, le même plat réapparaît régulièrement, revisité aux différentes tables du Lausanne Palace – où Edgard a posé ses couteaux en tant que chef exécutif en 2004. 

Après Zurich, Nice, Lausanne et les îles grecques, vers quels rivages Edgard Bovier entend-il dès lors voguer au lendemain de sa vraie-fausse retraite? A Rougemont, son port d’attache de longue date, il officie comme consultant au Cerf, ce petit bistrot sympa, rustique et chic à la fois, dont il fait la carte. A deux pas et dans le même village du Pays d’Enhaut, il y a aussi l’Hôtel de Rougemont, réhabilité en boutique hôtel avec sa trentaine de chambres et suites, où il rejoindra son complice de toujours, l’hôtelier Jean-Jacques Gauer. Un troisième projet se dessine dans la région lémanique, mais il est encore trop tôt pour en dire plus.

(Véronique Zbinden)


Davantage d’informations:
www.hotelderougemont.com