La nature reste au sommet

Quel rapport les gens entretiennent-ils avec la nature? C’est ce qu’a voulu savoir Suisse Tourisme à travers une enquête dont les résultats esquissent le portrait de la clientèle touristique.

La randonnée – au cœur de la campagne promotionnelle estivale de Suisse Tourisme – est de loin l’activité de plein air la plus prisée, tout particulièrement en Suisse. (swiss-image)

«Après m’être promené dans les nuages, j’atteignais un séjour plus serein d’où l’on voit, dans la saison, le tonnerre et l’orage se former au-dessous de soi… Ce fut là que je démêlai sensiblement dans la pureté de l’air où je me trouvais, la véritable cause du changement de mon humeur, et du retour de cette paix intérieure que j’avais perdue depuis si longtemps.» Dans cet extrait de Julie ou la Nouvelle Héloïse, le roman épistolaire qu’il publie en 1761, Jean-Jacques Rousseau fait l’éloge des montagnes valaisannes, suscitant un engouement sans précédent à l’échelle du continent européen, aussi bien pour Clarens et les rives du Léman le long desquelles se situe l’intrigue, que pour le Valais, où les protagonistes effectuent des excursions dans un environnement sublime.  

L’un des atouts du pays 

Dans l’article que nous avions consacré à la campagne estivale 2017 de Suisse Tourisme (voir HGH n° 11/2017), laquelle avait braqué les projecteurs sur la nature, nous avions souligné l’importance de cette dernière dans la manière dont le pays est perçu par les visiteurs étrangers. La prose de Rousseau s’est en effet inscrite dans le prolongement d’une tradition née au XVIIe siècle, celle du Grand Tour, en vertu de laquelle les aristocrates européens sillonnaient l’Europe pour en découvrir les beautés. La Suisse, d’abord considérée comme une simple halte sur le chemin de l’Italie, n’avait pas tardé à être élevée au rang de destination grâce à la beauté de ses paysages, devenue depuis l’un de ses atouts majeurs, comme le soulignait il y a deux ans Suisse Tourisme. 

Les lieux qui séduisent 

Qu’en est-il aujourd’hui? La nature est-elle toujours synonyme d’évasion et de régénération en ces temps où chacun se doit d’être joignable à tout moment? C’est ce qu’a voulu savoir l’organisme de promotion, qui a mandaté l’institut d’études d’opinion Sotomo pour interroger un échantillon représentatif de 5340 personnes en Suisse, en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. But de l’opération: examiner la signification de la nature et des activités dans la nature, et ce dans le contexte d’une société toujours plus compétitive et digitalisée. 

Le premier enseignement de cette enquête tient à l’amour inconditionnel que les Suisses vouent à la nature. Bien que souvent citée dans tous les pays étudiés comme l’un des principaux lieux de détente, elle n’arrive nulle part en tête de manière aussi marquée qu’en Suisse. Il s’agit là d’une nouvelle preuve de l’attachement des indigènes à la beauté de «leurs» paysages – nous verrons plus tard lesquels en particulier –, même si les Allemands et les Français apprécient eux aussi, bien que de manière moins marquée, l’idée de se ressourcer au contact de la nature. A l’inverse, les Néerlandais privilégient leur domicile quand il s’agit de désigner leur espace de détente préféré, à l’instar des Britanniques qui occupent le dernier rang des nations plébiscitant la nature.

Quid des lieux qui séduisent? La réponse, ici aussi, varie fortement selon la nationalité des personnes interrogées. Pour les ressortissants suisses, l’authenticité est valorisée: l’alpage et le modeste ensemble rural avec un petit lac qu’on leur a montrés en photo symbolisent à leurs yeux des lieux offrant une qualité de repos optimale. Ils sont rejoints dans le premier cas par les Français, et dans le second par les Allemands, eux aussi sensibles à «cette nature modérément domestiquée», pour reprendre les termes de l’enquête. A l’inverse, les photographies de deux parcs «façonnés par la main humaine» sont jugées plus positivement par les Néerlandais et les Britanniques.

Jamais sans mon smartphone

Cette différence de sensibilité ne doit toutefois pas cacher une réalité qui devrait ravir les professionnels de l’hôtellerie-restauration: si la nature est envisagée comme un lieu d’évasion, la majorité des personnes interrogées ne souhaitent pas un retour à une nature sauvage et indomptée. Ce constat est flagrant quand on sait que les options d’hébergement privilégiées par les Suisses sont la cabane de montagne avec eau chaude et l’hôtel de montagne, loin devant le camping, et que ce duo est également plébiscité par les ressortissants des trois autres pays. Rien d’étonnant à cela: à la question de savoir ce qui leur manquerait rapidement si elles s’aventuraient à l’écart de la civilisation, les personnes sondées citent le plus souvent la douche et un lit confortable.

Reste la question du smartphone. Les Britanniques y sont les plus sensibles, du moins davantage qu’à l’idée de pouvoir prendre une douche. De manière plus attendue, les jeunes sont deux fois plus susceptibles que leurs aînés de ressentir un manque vis-à-vis de leur téléphone. Sans doute faut-il y voir l’importance prise par les réseaux sociaux, 64% des personnes interrogées en Suisse déclarant partager les photos prises avec leur smartphone (dont 27% tout de suite).

(Patrick Claudet)


Davantage d’informations:
www.MySwitzerland.ch