Doublement primée cette année, la cheffe sommelière du Restaurant de l’Hôtel de Ville raconte son parcours et sa passion des accords.

Charline Pichon est la première cheffe sommelière à Crissier. (Sedrik Nemeth)
CHARLINE PICHON: Pas du tout. J’avais bien reçu une invitation pour la cérémonie mais il n’est jamais arrivé qu’une même personne soit distinguée deux fois la même année. Je m’y suis rendue sans attente particulière, d’où ma sidération, puis ma joie, quand mon nom a été prononcé.
C’est une immense fierté, personnelle et collective. Je vois ces distinctions comme la reconnaissance du travail accompli depuis huit ans au Restaurant de l’Hôtel de Ville, avec le soutien du chef Franck Giovannini et de son épouse. Etre la première femme cheffe sommelière de cette maison ajoute une dimension symbolique, bien sûr, mais je le vis avant tout comme un encouragement.
J’ai de beaux souvenirs de vendanges avec mon grand-père. A l’époque, pourtant, je ne pensais pas en faire un métier. Ce qui m’attirait, c’était l’hôtellerie-restauration. En poursuivant mes études dans cette voie, j’ai réalisé qu’il me manquait une vraie connaissance du vin. J’ai alors suivi une mention complémentaire en sommellerie, ce fut une révélation.
Avant Crissier, le moment clé a été mes quatre années passées au Domaine Les Crayères, à Reims, tenu à l’époque par Philippe Mille. J’y suis d’une part tombée amoureuse du champagne, dont j’ai tout de suite aimé la complexité, la diversité et la vivacité, et, d’autre part, j’ai eu la chance d’y travailler avec un chef et une brigade qui m’ont fait encore plus aimer les univers du vin et de la gastronomie.
Elles se sont élargies, même si la Champagne reste ma région de cœur. J’aime les vins qui ont du caractère: les grands bourgognes, les rieslings allemands, d’une belle précision, ou encore les chenins de Loire, d’une élégance incroyable. Sans oublier les spécialités suisses, notamment celles des frères Dutruy, de Raymond Paccot, de Philippe Darioli et d’Alexandre Delétraz.
Cinq fois par an, la maison change sa carte. Chaque nouvelle saison commence par une dégustation complète des plats, ce qui me permet d’en saisir la texture, la structure, les sauces, etc. C’est à partir de là que j’imagine les accords. L’objectif est de surprendre, surtout notre clientèle d’habitués (90 %), en évitant la routine et les grandes étiquettes systématiques.
Il y a toujours des détails à rectifier le soir même, mais le fait de bien connaître la cuisine du chef est un atout.
(Propos recueillis par Patrick Claudet)