A la suite d’une finale lyonnaise marquée par la professionnalisation croissante des équipes, l’Académie Suisse Bocuse d’Or entame une réflexion pour soutenir au mieux ses finalistes.
Depuis vingt ans, les podiums du concours de cuisine créé par Paul Bocuse sont trustés par les pays scandinaves. Cette année, le Danemark a une nouvelle fois décroché la timbale, suivi par la Norvège, et il s’en est fallu de peu pour que la Suède ne remporte le bronze. Cette réussite s’explique, on le sait, par les moyens financiers considérables mis à disposition d’une part par les Etats, et, d’autre part, par les partenaires de l’industrie agroalimentaire, notamment la coopérative Arla, basée au Danemark. Par ailleurs, d’autres nations ont entrepris ces dernières années de professionnaliser leur préparation au concours et l’encadrement de leurs candidats. C’est le cas de la France, représentée cette année par Naïs Pirollet, âgée de 25 ans, première femme à défendre les couleurs de son pays en finale, et très impliquée déjà dans l’équipe du vainqueur de l’édition 2021, Davy Tissot.
Dans ce contexte de plus en plus concurrentiel, il est logiquement toujours plus difficile pour les équipes de milice, dont la Suisse fait partie, de continuer à briller au niveau international. L’Académie Suisse Bocuse d’Or, présidée par Franck Giovannini, a parfaitement conscience du problème. Depuis l’an dernier, elle a mis en place une commission technique réunissant tous les participants suisses au Bocuse d’Or. Ce groupe de professionnels, parmi lesquels figurent entre autres Ale Mordasini, Mario Garcia, Stéphane Décotterd et Filipe Fonseca Pinheiro, a notamment contribué à l’élaboration du plat de poisson de Christoph Hunziker. Par ailleurs, l’Académie dispose aussi depuis 2020 d’une cuisine d’entraînement qui est la réplique exacte de celle du concours, et qui porte officiellement depuis l’an dernier le nom de Philippe Rochat. «Ces mesures vont dans le bon sens, car elles nous permettent de moderniser notre organisation. Toutefois, si on veut la professionnaliser, il nous faudra davantage d’argent», résume Lucien Mosimann, coordinateur. Une réunion à ce sujet a d’ailleurs eu lieu la semaine dernière à Crissier (VD). Si rien n’a filtré des discussions, il apparaît assez clair que le modèle économique de l’Académie, qui s’appuie sur le soutien fidèle d’une vingtaine de partenaires, ne suffit pas pour garantir à terme le maintien de la Suisse parmi les meilleures nations. Christoph Hunziker reconnaît lui-même que «le système de milice ne permettra jamais à aucune équipe de monter sur le podium».
Quelles sont alors les options? Sachant que les pays scandinaves ont très tôt vu le Bocuse d’Or comme un moyen de dynamiser leur image et leur industrie touristique, Présence Suisse n’aurait-elle pas intérêt à soutenir l’Académie Suisse Bocuse d’Or? «La décision de financer de manière structurelle la participation de la Suisse à ce type de concours ne relève pas de Présence Suisse», précise Alexandre Edelmann, directeur de l’organisme étatique. Avant de rappeler que la gastronomie est un outil de promotion auquel Présence Suisse a souvent recours: «Les produits suisses bénéficient d’une image forte et sympathique à l’étranger. Des collaborations ponctuelles ont eu lieu avec les Grandes Tables de Suisse ou d’autres acteurs, à l’instar du Grand Prix Joseph Favre.»
Quant à savoir si des opérateurs suisses de l’industrie alimentaire pourraient eux aussi contribuer au budget de l’Académie, la question reste ouverte. «Nous avons évoqué plusieurs pistes, tout reste à faire», conclut Lucien Mosimann.
(Patrick claudet)