The Woodrow, attendu de longue date, accueillera, à partir de juin 2020, suites, spa et piscine, sans oublier l’Atelier conçu avec Joël Robuchon.
Entre échafaudages et rideaux plastiques, c’était l’autre jour le rituel de la visite de chantier pour une poignée de journalistes et d’invités dûment casqués et intrigués. Le chantier? Seul le voisinage immédiat du 37, Quai Wilson a pu en suivre l’avancement récent. Le projet d’un nouvel hôtel de luxe sur les quais de la rive droite, entre Président Wilson et Kempinski, tenait en effet plutôt de l’Arlésienne jusqu’ici pour la population genevoise. Mais cette fois, ça y est, The Woodrow – ainsi nommé en hommage au 28e président américain et Nobel de la paix 1919, Thomas Woodrow Wilson –, boutique hôtel de luxe et de charme, ouvrira en juin 2020, confirment ses propriétaires du groupe Crest.
Depuis six ans qu’a été conclu le rachat du bâtiment, le chantier a été tour à tour retardé par des recours, compromis par un changement de concept et d’architecte d’intérieur et enfin le décès d’un de ses acteurs clés, en l’occurrence Joël Robuchon, emporté en août 2018 par un cancer.
L’immeuble avec sa façade Belle Epoque inspirée par les palaces de la Côte d’Azur va enfin renouer avec sa vocation originelle: l’Hôtel Bellevue, bâti entre 1901 et 1903 par l’architecte François Durel, accueillit la clientèle internationale argentée jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Racheté par le Comité des unions chrétiennes de jeunes gens YMCA, il fut reconverti en bureaux et en logements privés avant d’abriter la Republic National Bank dans les années 90, d’être revendu à un joaillier de la place puis cédé en 2013 au groupe Crest.
Au-delà de la façade richement ouvragée avec ses balcons baignoires, ses bow-windows et autres consoles, cinq étages seront dédiés à l’hébergement, uniquement sous forme de suites, au nombre de vingt-six. L’aménagement intérieur confié au Français Pierre-Yves Rochon, une des stars du genre, entend révéler l’âme du lieu et sa luminosité naturelle grâce à des matériaux choisis avec grand soin et une touche japonisante.
Les deux autres étages seront dévolus au bien-être et à la beauté, en partenariat avec la maison parisienne Guerlain; The Woodrow comportera ainsi un spa de rêve et une piscine qui devrait être le plus grand bassin intérieur de Genève. «Ce sera surtout un lieu de vie où la notion d’expérience sera centrale», promettent ses artisans.
Et au chapitre de l’expérience, la restauration est logiquement centrale. Un nouvel Atelier de Robuchon ouvrira donc au rez du 37 Quai Wilson, face au lac. Issu du sérail, le jeune chef exécutif Olivier Jean a travaillé au côté du Cuisinier du Siècle poitevin, passant notamment par son Atelier de Shangai. Olivier Jean découvre Genève depuis peu et entend consacrer ses prochaines semaines à découvrir les produits locaux et tisser son réseau de fournisseurs. «La carte sera très végétale, axée sur les ingrédients locaux et de saison, mais aussi la santé, le bien-être», promet le chef.
Fidèle au concept robuchonien, cet Atelier genevois devrait être doté d’une cuisine centrale ouverte et du fameux décor signature rouge et noir, le tout inspiré à la fois par le design et la zénitude japonais et la convivialité des bars à tapas espagnols. Cette adresse helvétique unique – après Tokyo, Paris, New York, Shangai, Las Vegas, Bangkok et Londres – devrait
offrir une quarantaine de places assises au comptoir ainsi que deux salles privatisables.
Pour mémoire, Joël Robuchon – au faîte de sa célébrité après avoir obtenu toutes les distinctions et décroché jusqu’à 32 étoiles, un record inégalé – avait annoncé son retrait de la gastronomie. Avant de se raviser dix ans plus tard en imaginant un premier Atelier à Tokyo, suivi peu après par un deuxième au sein de l’Hôtel du Pont Royal, dans le VIIe, à Paris, en 2003.
Le concept novateur de l’Atelier – articulé autour de produits parfois très simples, du pied de cochon à la célébrissime purée de rattes JR, sublimés par la perfection technique, de valeurs clés telles la sobriété, le dépouillement, l’immédiateté, la féminité – avait dès lors essaimé un peu partout autour du globe.
Ce n’est pas tout. Un deuxième restaurant baptisé Le Jardinier prendra également place dans le complexe hôtelier, après l’adresse new-yorkaise homonyme, étoilée peu après son ouverture. Le bien nommé Jardinier sera installé dans une oasis de verdure reflétant la carte signée par le chef étoilé Alain Verzeroli: une tonalité très végétale, là encore, empreinte de «naturalité», afin d’offrir « une parenthèse bucolique et gourmande au cœur de la ville ».
Avec de tels partenariats, The Woodrow entend clairement attirer, en plus des afficionados internationaux du luxe, une clientèle locale traditionnellement peu séduite par les restaurants de palaces, à trois pas du très gourmand Bayview de Michel Roth entre autres adresses de luxe. A suivre donc.
A noter enfin que c’est l’architecte genevois Bernard Erbeia qui supervise l’ensemble de ce gigantesque chantier depuis son origine.
(Véronique Zbinden)
«Séjourner dans une ville qui n’est pas la sienne comme si l’on y vivait depuis toujours», telle est l’expérience que The Woodrow souhaite proposer à ses hôtes. Son ambition? «Offrir le meilleur de la culture suisse et faire rayonner son savoir-être à l’international», ajoutent les promoteurs. Les clients pourront ainsi s’imprégner, concluent-ils, de l’art de vivre à la genevoise dans un écrin de luxe.