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Pour Frédy Girardet, le «bonheur de sa vie»

A l’heure où le restaurant créé par son père Benjamin célèbre ses septante ans, le Cuisinier du siècle évoque l’esprit de la maison et quelques rencontres marquantes.

La légende veut qu’au sommet de sa gloire, Frédy Girardet aurait pu ouvrir un restaurant dans n’importe quelle ville du monde. Il ne l’a pas fait, insensible aux tentations pécuniaires, trop soucieux aussi de garder un contrôle total sur son art pour se disperser aux quatre coins du globe. Vingt-neuf ans après qu’il a remis la maison à Philippe Rochat, c’est un peu contre son gré, disons-le, qu’on aiguille la discussion vers le septantième anniversaire du Restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier. «Quand c’est fini, c’est fini», nous avait-il prévenu en 2012, désignant la grande cuisine de son domicile d’alors, où il avait un temps songé à donner des cours, un projet vite abandonné.

Le Restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier compte plusieurs salles, dont l’une porte le nom de Frédy Girardet. (DR)

Mais la parole finit toujours par se délier quand il est question de cet établissement qu’il porte dans son cœur, celui qu’il a rejoint dès la fin de son apprentissage au Restaurant du Grand-Chêne, avant d’y succéder à son père en 1965, après son décès brutal à 56 ans. «Ce lieu, c’est le bonheur de ma vie», dit-il à l’autre bout du fil. Sans doute aussi l’une de ses grandes fiertés, mais il ne fanfaronne pas, fidèle à ses racines vaudoises.

A quelques jours de ses 89 ans, il garde une pensée émue pour les personnes qui l’ont accompagné durant son aventure et qui sont parties trop vite, Philippe Rochat et Benoît Violier en tête. En 2012, au moment de la passation de pouvoir, les deux chefs avaient livré un témoignage touchant dans ces colonnes. «Jamais avant Crissier je n’avais eu entre les mains des produits aussi frais. J’ai découvert que la cuisine pouvait être un art spontané», disait le premier. «Son génie tient à son approche du produit, exigeante et respectueuse à la fois, et à son talent pour trouver, dans l’instant, les accords justes», enchaînait le second.

Un héritage intact

Pour Joël Robuchon aussi, bien sûr. Dans le même article, l’autre Cuisinier du siècle (avec Paul Bocuse) assurait que Frédy Girardet était capable de faire des plats exceptionnels «avec un rien», d’où son admiration pour «son talent et sa droiture». Les deux chefs se sont revus en Suisse peu avant le décès de Joël Robuchon. «C’était un ami fantastique. On s’est admirés tous les deux», dit Frédy Girardet.


Frédy Girardet a reçu la Clé d’Or Gault & Millau en 1975, le titre de Cuisinier du siècle en 1989 et trois étoiles Michelin en 1993.


Le Restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier reste un lieu de vie où est célébrée la cuisine spontanée du maître, réinterprétée à chaque nouvelle génération. A ses trois chefs de cuisine (Jean-Michel Colin, Gérard Cavuscens, Philippe Rochat) et à tous ceux dont il a croisé la route, il a inculqué des principes qu’ils n’ont jamais oubliés. «Mon but a été de partager une certaine idée de la cuisine. Un respect des produits, de la cuisson et du client, c’est tout.»

Depuis ses débuts, il dit avoir le sentiment que le métier a changé, en particulier dans la haute gastronomie, où la scène s’est internationalisée. Son héritage n’en demeure pas moins intact, porté aujourd’hui par Franck Giovannini.

(Patrick Claudet)


Davantage d’informations: 

restaurantcrissier.com