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Jordi Roca, révolutionnaire de la pâtisserie

ChefAlps réunissait une dizaine de grands noms de la gastronomie à Zurich. Le cadet de l’illustre fratrie a ébloui ces rencontres avec sa virtuosité et son humour.

«Cromatismo Naranja»: l’une des créations de Jordi Luca.

Joan, Josep, Jordi. Le sage, le romantique, le facétieux. Le premier rêvait d’une carrière d’architecte, le second ne vivait que pour le foot, le troisième était le rigolo de la bande. Ils sont devenus respectivement cuisinier, sommelier, pâtissier, mais on sent que leurs rêves d’enfant les ont accompagnés. La fratrie Roca est aujourd’hui l’un des boys bands les plus médiatisés de la planète: El Celler de Can Roca a été élu à deux reprises meilleure table du monde par le jury des World’s 50 Best Restaurants, en 2013 et 2015. Ouvert en août 1986 déjà par les deux aînés, leur Celler fêtera cette année ses trente ans; les trois garçons ont grandi dans le restaurant de leurs parents, toujours bon pied bon œil, à quelques pas de là – qui servait une cuisine «simple mais excellente».

Jordi a suivi l’exemple de ses frères en fréquentant l’Ecole hôtelière de Gérone, avant de rejoindre Joan en cuisine en 1999, puis de bifurquer vers la pâtisserie, un virus inoculé par Damian Allsop, un des chocolatiers les plus créatifs et délirants du moment. A 39 ans tout frais, Jordi a lui-même un côté chenapan, un esprit espiègle qui a fait glousser le public pourtant réservé de ChefAlps. Par exemple? En présentant – à côté d’un divin dulce de leche au lait de brebis et à la goyave – quelques gouttes de distillat de la laine du même mouton aux puissants effluves de vieux bouc. Car entre autres talents, Jordi conçoit certains desserts à la manière des grands parfumeurs. Une idée, un concept, des notes de tête, de coeur, et la quintessence de la rose turque vient envoûter des convives pourtant rassasiés. Salés, sucrés, peu importe, ses desserts ne ressemblent à rien de connu, sauf peut-être aux grands moments de Ferran Adrià – portés par la même envie de bousculer les repères, dérouter, susciter le rire ou l’émotion. Mais encore? Son fameux bonbon Campari: une coque croquante de cacao libérant en bouche un véritable feu d’artifice aromatique mêlant Campari et grapefruit.

Son côté alchimiste évoque immanquablement le personnage du «Parfum», de Patrick Süskind (en version malicieuse), rêvant à l’élixir absolu. Jordi a du reste lancé récemment son premier parfum. Derrière l’apparente légèreté du propos, le virtuose, auréolé de nombreuses distinctions, en plus de celles, collectives, décernées à l’enseigne familiale. Le titre de World’s Best Pastry Chef consacrait notamment en 2014 une technique vertigineuse et une inspiration qui ne l’est pas moins. En 2012, Jordi Roca a lancé Rocambolesc, sa propre enseigne de glaces et desserts, inspirés par des thèmes aussi variés que Dark Vador, Christophe Colomb, Game of Thrones ou son propre appendice nasal, imposant. Récemment, il est allé jusqu’à travailler avec l’artiste catalan reconnu pour être le premier cyborg. L’homme ne perçoit pas les couleurs et s’est fait implanter une antenne qui a changé sa vie en lui permettant de les percevoir: à son tour, Jordi rêve de créer une assiette qui transforme les couleurs en sons. Après tout ça, qu’on ne s’étonne pas de devoir patienter plusieurs mois pour décrocher une table à Gérone. Mais les frangins ont innové là encore en allant à la rencontre de leurs fans du monde entier: chaque année, le trio part en tournée durant six semaines dans une région différente du globe, en emmenant les 36 collaborateurs du restaurant. Un Boys Band en tournée, on vous le disait!

Véronique Zbinden
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