Un steak végétal peut-il être meilleur que l’original?

La start-up zurichoise Planted a dévoilé sa première alternative végétale à la viande rouge. Un vrai défi. Dégustation dans une brasserie lausannoise.

Le chef du Café de Prélaz, Benjamin Gauthier, souligne que le steak végétal réagit parfaitement aux différents modes de cuisson et ne se dessèche pas sous l’effet d’une chaleur prolongée. (dr)

La fermentation garde décidément sa part de mystère, «laissant parfois penser à quelque intervention divine»: cette citation de l’experte Luna Kyung, auteur d’un ouvrage de référence sur le sujet, s’applique à la dernière création de Planted, qui doit une grande part de sa réussite et de son intérêt gustatif à ce processus. Un «steak végétal» issu d’ingrédients naturels, selon ses concepteurs – protéines de soja, huile de colza, concentré de betterave, farine de haricots, farine de riz, épices, extrait de levure, cultures, sel et vitamine B12 – dévoilé récemment à Lausanne, au Café de Prélaz.

Le fruit de cinq années de travail

Ce produit étonnant est appelé à marquer «un tournant» de l’avis de ses créateurs, à commencer par le cofondateur de Planted, Pascal Bieri: «L’alternative à la viande rouge était un de nos objectifs dès la création de la société, en 2019, jusqu’ici jamais atteint.» Un «graal» auquel une équipe d’une soixantaine de scientifiques et quatre chefs s’est dédiée cinq années durant dans les laboratoires de Kemptthal et au-delà, via les cuisines de plusieurs chefs et consultants internationaux.

Il y aurait ainsi un avant et un après ce fake steak, dégusté en primeur dans une brasserie lausannoise. A quoi ça ressemble, dans l’assiette? On commence par un bao vapeur farci d’un effiloché de vrai-faux bœuf qu’on dirait longuement mijoté. Une farce marinée et bien épicée d’inspiration coréenne, délicieuse. Là-dessus, on goûte le steak plus «classique», flanqué de sa galette de pommes de terre et de carottes mousseline, également savoureux et proche des goûts et souvenirs liés aux mets carnés. Umami.

Une texture assez bluffante

La texture des deux plats est assez bluffante, évoquant la fibre d’un pavé de rumsteck ou d’une entrecôte – sans gras ni persillage toutefois – tout en préservant le moelleux et le juteux. Le plus étonnant tient à la pluralité des apprêts possibles: dans la vraie vie d’un carnassier, on achètera plutôt un morceau de paleron ou de macreuse pour le mijoter ou le cuire longuement à l’étouffée avec ses condiments, alors qu’on optera pour une pièce taillée dans l’aloyau pour la saisir, la poêler vivement avec un corps gras. Le chef du Café de Prélaz, Benjamin Gauthier, souligne que le steak végé réagit parfaitement aux différents modes de cuisson et ne se dessèche pas sous l’effet d’une chaleur prolongée. Le vrai défi tient aussi à la taille. Un «muscle» de deux kilos qui doit ressembler à quelque bon gros rôti avant cuisson. Ou pas. Les Zurichois de Planted avaient déjà réalisé le plus grand schnitzel du monde: une escalope longue de 120 mètres, panée à l’aide de 60 kilos de chapelure, frite puis débitée en 500 portions, record homologué par le Guinness Book en 2021.

De nombreux obstacles

Mais les obstacles étaient plus nombreux pour cette «viande rouge végétale», aux dires de Pascal Bieri. Plus compliqué que des pièces de taille réduite et peu structurées, telles les effilochés et autres émincés, pulled pork, kebab ou bratwurst déjà produits dans la Valley innovante de Kemptthal.


«L’alternative à la viande rouge était un de nos objectifs dès le début»

Pascal Bieri, cofondateur de Planted


«Il s’agissait ici de reproduire un muscle. Une pièce imposante et d’un seul tenant, une masse de deux kilos», explique Pascal Bieri. Imaginez. Une pâte confectionnée à partir de trois ingrédients végétaux (soja, farines de haricots et de riz) – Pascal Bieri préfère parler de «structure sèche». Placée dans un fermenteur, la masse reçoit des cultures issues de champignons et va évoluer durant plusieurs jours. Au terme de ce processus de fermentation, on lui ajoute du gras (huile de colza) et de la couleur (concentré de betterave).

Le résultat est bluffant, confirme Tim Raue, le chef berlinois doublement étoilé Michelin et 40e au classement 2023 des World’s 50 Best, aussi consultant de Planted. «Il a une structure et une mâche incroyables, un goût riche, qui en font la meilleure base pour un plat végétal.» Marqué par les techniques et les saveurs asiatiques, le chef visionnaire décline notamment un menu végane comprenant deux des produits phares de la start-up zurichoise, laquelle a obtenu 2 millions de francs de Innosuisse en 2023 pour concrétiser son objectif du jour. Présente dans sept pays, elle est pionnière d’une approche qualitative (ingrédients naturels en nombre limité, recours maîtrisé à la fermentation), les principaux reproches adressés aux succédanés carnés étant leur caractère ultratransformé et leur impact discutable sur la santé.

(Véronique Zbinden)


Davantage d’informations:

eatplanted.com