Un livre et un label viennent souligner l’héritage et le charme d’une quarantaine d’établissements de la cité vaudoise.
C’est une façade étroite un peu en retrait, au charme nostalgique avec son enseigne ourlée de grappes et de feuilles de vigne, ses vitraux aux couleurs vives, la calligraphie qui la présente. Pinte Besson, maison fondée en 1780. Etonnant de songer que ladite pinte a vu le jour à l’ère bernoise, créée par un vigneron désireux d’écouler ses stocks de pinard, avant d’être rebaptisée Besson, du nom des tenanciers du XIXe siècle.
Le plus ancien établissement encore exploité de Lausanne, dans son cœur animé, est aussi un des lieux choisis pour dévoiler le nouveau label bleu et or Café historique de Lausanne et le livre qui l’accompagne, le 4 mai dernier.
Une quarantaine de cafés-restaurants ont été recensés et étudiés par l’historienne déléguée à la protection du patrimoine Martine Jaquet avant d’être associés à cette démarche. Isabelle Falconnier, déléguée à la politique du livre de la Ville de Lausanne et plume alerte, a signé les textes du livre et le syndic de la Ville Grégoire Junod la préface. Ces trois guides ont convié les médias à une balade historique d’une quinzaine de minutes dans l’hyper centre, la découverte de quelques-uns de ces joyaux discrets, que les Lausannois eux-mêmes côtoient souvent sans en franchir le seuil.
Ces 44 lieux de mémoire vont de la brasserie Belle Epoque au troquet de quartier, en passant par les tea-rooms et les pintes à boire, restaurants de lieux sportifs (piscine et patinoire de Montchoisi, Bellerive Plage) ou encore cafés glaciers, voire l’imposant Buffet de la gare métamorphosé en Tibits ces dernières années; ils ont vu le jour entre le XVIIIe siècle et les années 1960 – le plus «jeune» étant l’atypique et vaguement kitsch chalet suisse de Sauvabelin, hérité de l’Expo universelle de Bruxelles 1958 –, l’essentiel du corpus datant de la période comprise entre la fin du XIXe et le début du XXe.
A deux pas de la Pinte Besson, la brasserie Saint-Laurent, autre rescapée, date de 1813 avec ses plafonds à stucs et ses boiseries d’origine, ses vitraux sortis de l’atelier des célèbres verriers lausannois Chiara et ses peintures murales réalisées par le peintre Otto Alfred Briffod. On y retrouve plusieurs scènes de la vie de la région, des personnages archétypiques, comédiens et autres gloires locales, qui donnèrent naissance aux émissions radio emblématiques du Quart d’heure vaudois, relève Isabelle Falconnier.
Un peu plus loin, place de la Palud, le Café de l’Hôtel-de-Ville, proche du siège des autorités communales est abrité de même dans un bâtiment remontant aux XIVe et XVe siècles. Le café lui-même y a été intégré au XIXe et se nommait alors Cercle industriel: il abritait la fédération des ouvriers de menuiserie, dont on peut imaginer qu’ils ont contribué au décor de la belle devanture de chêne, note l’historienne Martine Jaquet.
En remontant de quelques pas vers la ruelle historique de la Mercerie, au-dessus de la fontaine animée de la Palud, on (re)découvre enfin le Café du Grütli, avec son étroite terrasse. Les murs du bâtiment sont de même médiévaux (1340 précisément) et le café a longtemps été le théâtre de réunions et d’assemblées des cercles ouvriers alémaniques, pas uniquement un lieu de consommation. Le Grütli a lui aussi gardé son cachet et l’atmosphère typiques de la fin du XIXe avec ses belles boiseries, ses banquettes et son enseigne de fer forgé. Il est géré par la même famille depuis 36 ans et c’est pour Heike et Willi Prutsch, comme pour les autres tenanciers de ces anciens établissements, un défi d’en préserver le caractère historique tout en aménageant de manière fonctionnelle, conviviale et confortable ce qui est leur outil de travail.
A l’origine de cette démarche, un postulat déposé par le conseiller communal Benoît Gaillard à l’époque des menaces sur la Bavaria. Cette brasserie historique a finalement été remarquablement préservée, mais elle a aussi été le prétexte à lancer un travail de recensement et de valorisation de ce patrimoine remarquable, qui arbore désormais le label bleu et or Café historique Lausanne. La démarche s’inscrit dans une stratégie plus large de valorisation touristique, a souligné Grégoire Junod, qui passe aussi par les activités de Lausanne à Table. Des balades à la découverte de ce patrimoine seront en outre proposées.
(Véronique Zbinden)