Portée sur les fonts baptismaux en mai 2019, la Brasserie de l’Abbaye de Saint-Maurice s’appuie sur une longue histoire dont elle s’est inspirée pour créer des spécialités au service d’un patrimoine unique.
D’un côté, l’une des brasseries artisanales les plus jeunes du pays. De l’autre, le plus ancien monastère chrétien d’Occident toujours en activité. A eux deux, ils forment un tandem détonnant depuis la création, il y a moins de trois ans, de la Brasserie de l’Abbaye de Saint-Maurice, constituée en société anonyme sous l’impulsion du chanoine Olivier Roduit et placée sous la direction de Céline Darbellay, qui pilote une équipe de quatre collaborateurs.
«La concurrence est rude sur le marché de la bière artisanale, mais nous pouvons nous appuyer sur les 1500 ans d’histoire de l’Abbaye, dont les valeurs de fraternité et de communauté ont guidé la création de nos produits», lance la diplômée de HEC Lausanne.
L’histoire? Elle est étroitement liée au destin de Saint-Maurice et de ses compagnons Exupère, Innocent et Candide, massacrés autour de l’an 300 parce qu’ils avaient refusé des «ordres impies». Ils faisaient alors partie de l’armée de Maximien en provenance d’Egypte, et le transport de leurs restes en 380 sous une falaise par Théodule, premier évêque connu du Valais, a inauguré le culte qui a abouti en 515 à la création du site, comme l’explique l’un des ouvrages publiés par l’Abbaye de Saint-Maurice.
L’héritage historique s’illustre à travers le nom des bières brassées dans une cave datant de 1244, où l’outil de production comprenant dix cuves est complété par un espace de dégustation. C’est là d’ailleurs, au milieu d’une campagne verdoyante qui domine Saint-Maurice, qu’on déguste la production maison. De la bière blanche Candide, créée à partir de levures prélevées dans un parchemin de 1319 par une start-up de l’Unil, à la bière d’abbaye triple DXV (515 en chiffres romains) avec ses arômes maltés et épicés. En passant par la bière ambrée Febris, hommage à l’incendie de 1693, ou encore l’American Pale Ale VOX, mêlant amertume et notes fruitées, et tirée à 20 000 exemplaires, soit le nombre de pèlerins venus se recueillir in situ en 1873.
Bien qu’issue d’une famille de vignerons, Céline Darbellay a tout de suite adhéré au projet du chanoine Olivier Roduit. «Chaque franc généré par la vente de bière est reversé à l’Abbaye. Le but est de contribuer financièrement à l’entretien des infrastructures et du site archéologique», poursuit celle qui se plaît à décrire l’assortiment de la brasserie comme une collection de bières «de haute inspiration».
En termes de distribution, la Brasserie de l’Abbaye de Saint-Maurice mise sur le secteur Horeca, les épiceries et les particuliers, mais aussi certaines enseignes de la grande distribution (Coop et Manor, en Suisse romande). Quant à la pandémie, elle a contraint l’enseigne à revoir ses plans, mais elle l’a encouragée à innover. A terme des accords mets-bières seront ainsi proposés avec des chefs.
(Patrick Claudet)