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Quand l’art s’invite en cave: un coffret millésimé signé Spoerri

Un vigneron, un hôtelier et un galeriste inventent des coffrets qui laissent la part belle aux artistes. Un dernier millésime réalisé par l’artiste Daniel Spoerri.

L’artiste Daniel Spoerri a participé au projet peu avant sa disparition en 2024. (DR)

Il s’agit d’un projet insolite qui propose un dialogue entre un vin parcellaire neuchâtelois et des artistes contemporains de premier plan. Ces derniers proposent souvent des visions, des concepts drôles et parfois plus intimes, plus secrets. Le concept se nomme Zürich Neuchâtel Art Express et vient d’accoucher d’une nouvelle aventure. Une cuvée du millésime chaud 2020, signée par l’artiste suisse Daniel Spoerri, juste avant son décès en novembre 2024. En tout 600 bouteilles qui ont toutes trouvé preneur dans des caisses en bois customisées et contenant six bouteilles pour le prix de 400 francs.

Une rencontre fin 2023 à Vienne

L’hôtelier Thomas Maechler, le vigneron Louis-Philippe Burgat du domaine de Chambleau, à Colombier, et le galeriste Stefano Pult partent fin 2023 à la rencontre, à Vienne, de Daniel Spoerri connu pour ses «tableaux-pièges». «On a tout de suite aimé l’idée de collaborer avec un artiste qui créait des restaurants dans des lieux d’art pour coller des verres à moitié pleins, des miettes, des cendriers et des restes de repas sur des tables qu’il accrochait verticalement au mur», raconte Louis-Philippe Burgat.

Les trois compères arrivent chez un homme de 93 ans qui a pris les devants et déjà imaginé les étiquettes pour le vin. Autour d’un slogan pour l’étiquette aux lettres découpées et inégales: «Dans le vin j’ai trouvé bénédiction, chance, amour et joie». En allemand dans le texte cela donne: «Im Wein mehr Segen, Glück, Liebe, Freude gefunden». Plus fort encore, l’artiste, figure importante du courant des nouveaux réalistes, avait déjà brodé à la main 25 serviettes originales pour accompagner les caisses sérigraphiées de l’édition signée. «Afin d’essuyer les bouteilles», sourit le vigneron.

Depuis 2014 et l’envie de Thomas Maechler, alors directeur du Beau-Rivage de Neuchâtel, de créer une cuvée gastronomique spéciale d’un cépage plus fou, que du pinot noir, les projets s’enchaînent grâce aux contacts artistiques de Stefano Pult. «Il navigue dans son milieu, il sait toujours bien nous conseiller», explique Louis-Philippe Burgat.

Vins moins tanniques que jadis

Depuis le début, les vins sont issus du cépage gamaret de la parcelle Le Rosy. Un parchet pentu et sec de moraines graveleuses orienté plein sud. Les rangées de vignes s’arrêtent non loin de la voie ferrée sur laquelle on peut voir passer les trains qui assurent la liaison Zurich–Neuchâtel. «Je vinifie deux barriques que je consacre uniquement à ce projet, on trie les vendanges, on enlève les grosses grappes», explique le vigneron. Ce millésime 2020 consacré à Daniel Spoerri se présente sous une robe sombre. Soyeux en bouche, il dévoile de profonds arômes de bourgeons de cassis et se termine par une noble acidité qui persiste longtemps sur le palais. Le 2016 consacré à John Armleder, de son côté, partait plus sur des arômes de framboise avec un côté plus amer et végétal.

Le vigneron ne vinifie pas en fonction de la personnalité des artistes, mais doit beaucoup au millésime froid pour le 16 et précoce pour le 20. Il pense aussi que le style de Chambleau évolue vers davantage de finesse, moins de masse et de puissance tannique.

L’étiquette, un terrain d’expression

Sur le millésime 2014, le peintre Olivier Mosset avait eu l’idée d’utiliser la couleur violacée du vin pour réaliser un monochrome et colorier les caisses. Souvent la matière du contenant interroge. John Armleder optait pour du plexiglas miroir et Sylvie Fleury pour de la fourrure blanche. Ben a même eu droit à deux millésimes, 2017 et 2019, où il a écrit sur fond noir «boire pour oublier l’art». Louis-Philippe Burgat aime pénétrer dans l’antre d’un artiste grâce à la complicité du galeriste Stefano Pult: «Chez Ben, nous nous sommes retrouvés au milieu de 300 de ses tableaux et John Armelder nous a présenté ses collections de magazines des années 1970 et 1980. C’est passionnant.»


«On a tout de suite aimé l’idée de collaborer avec un artiste qui créait des restaurants dans des lieux d’art»

Louis Philippe Burgat, vigneron au domaine de Chambleau


Les trois complices vont continuer à réaliser cette cuvée artistique, dans le cadre de laquelle ils ne veulent pas gagner d’argent, préférant réinvestir les bénéfices de l’opération dans la prochaine quête d’artiste.

(Alexandre Caldara)


Davantage d’informations: 

chambleau.ch/art