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Après Zurich, Pierre Jancou fait un pop-up à Genève

Le bien nommé Bombar, qui réveille Genève depuis le début de l’année, accueille jusqu’au 12 octobre le chef franco-suisse, pionnier de la bistronomie.

Au Bombar, Pierre Jancou travaillera à quatre mains avec Victor Freiburghaus. (Kalotay)

«J’ai fait le tour de la folie parisienne: si demain, je trouve un lieu qui m’enchante, un projet où on ferait tout maison, je serais bien capable de revenir en Suisse», confiait Pierre Jancou cet été à l’heure de ses retrouvailles avec Zurich, sa ville natale. C’est à ce moment-là que le Bombar lui a tendu les bras. Le lieu imaginé par les deux complices Marc Popper et Florian Le Bouhec dans le quartier popu des Augustins, à Genève, paraît tout indiqué pour un retour festif. Il ne s’agit que d’un pop-up pour l’heure, durant la première quinzaine d’octobre, mais qui sait?

«Des copains communs passionnés de vin nature nous ont mis en contact et on est tombés d’accord très vite sur l’idée d’un pop- up», explique Marc Popper, pour qui Pierre Jancou reste «le pionnier d’une cuisine de marché et de produits, doté d’une aura et d’un vrai talent pour inventer des lieux. Un grand romantique de la restauration aussi, un chef artisan très proche de ses fournisseurs». Ce qu’on trouvera à la carte du Bombar? Pierre Jancou travaillera à quatre mains avec le talentueux jeune chef Victor Freiburghaus: ils vont concevoir la carte, faire la mise en place ensemble. Il y aura assurément des pâtes fraîches et des gnocchis, quelques assiettes simples mais incontournables de charcuteries, des plats mijotés et d’autres plus travaillés, quelques jolis desserts.

L’Italie pour tout réapprendre

Pour rappel, Pierre Jancou est sans doute le plus français des chefs suisses – à moins que ça ne soit l’inverse –, mais aussi le plus imprégné de culture italienne. Son enfance commence à Zurich, entre un père franco-roumain qui l’emmène découvrir les grandes tables, de Chapel à Guérard et Girardet, et une mère suisse allemande. Pierre perd ses parents très jeune, est pratiquement élevé par une famille de Modène – l’Italie est de fait son pays de cœur – et passe son adolescence dans les pensionnats de Genève. Rêve de devenir comédien, quitte la Suisse pour s’inscrire au Cours Florent, à Paris. La scène ne voudra pas de lui, hormis pour quelques petits rôles. Mais pour gagner sa vie, il va défiler pour Gaultier ou Westwood, jouer le barman aux Bains Douches. Il en garde un carnet d’adresses inouï, auquel il devra pour partie le succès de sa première enseigne, la Bocca, qui sera le rendez-vous du monde de la mode et de la musique, des belles filles et des mafieux, dans les années 1990. Epoque de frime, d’excès. Jusqu’au jour où «le petit couillon arrogant» qu’il est devenu envoie tout balader pour se ressourcer en Italie, réapprendre les bases de la cuisine la plus généreuse du monde, passer accessoirement chez Massimo Bottura, avant de revenir à Paris. 

«C’est au retour d’Italie que tout a démarré vraiment», dit-il aujourd’hui. C’est alors l’époque de la Crèmerie, dans le VIe. La clientèle a changé radicalement, Pierre s’est lancé à fond dans les vins nature. Les bobos sont fous des petites merveilles ramenées d’Italie: lard de Colonnata, burrata, charcuteries, lapin aux herbes et crostini de polenta, pâtes farcies, etc. La reconnaissance suivra, de François Simon au New York Times et aux ancêtres du Fooding.

Au bout de six ans, il revend la Crèmerie pour passer à autre chose. Ce sera Racines, une ancienne imprimerie planquée dans un passage, ainsi nommée en hommage à ses chers vignerons, dont il fera une autre adresse de charme. Jusqu’au jour où l’appel du large et du Sud le reprend. Le temps de faire une pause et ce sera au tour de Vivant et son pendant Vivant Cave. «Le vin sera sa rédemption, écrit le critique François Simon: des vins sains, vivants, sans sulfites.»

Au milieu des années 2000, toutes ces adresses – il y eut encore Heimat et Achille – ouvrent la voie à une nouvelle génération de chefs curieux et affûtés. Quelques-uns des chefs les plus talentueux et passionnés du moment sont passés dans ses cuisines, de Svante Forstorp à Sota Atsumi. L’attention est braquée sur le produit et son origine, avant même qu’il soit question de locavorisme. Le produit authentique, pas trafiqué: une tourte aux blettes ou une salade folle aux légumes d’automne – l’homme est aussi passé chez Alain Passard, à qui il voue une admiration inextinguible. Après quoi, Pierre Jancou quitte Paris pour reprendre un charmant café de village dans la Drôme. En attendant peut-être de reprendre la route …

(Véronique Zbinden)