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La douceur florale de vins blancs complexes

Les cépages alvarinho et viognier donnent des vins discrets et élégants. Démonstration dans le domaine familial Soalheiro au Portugal et celui des Frères Dutruy sur La Côte.

Le domaine Soalheiro, au nord du Portugal, est une affaire de famille. (DR)

On associe désormais volontiers le Portugal à des assemblages de cépages autochtones rouges très taniques, et la région de La Côte en Suisse à des chasselas fruités. Lorsqu’on pense au cépage albariño, on l’imagine souvent en Galice, au nord-ouest de l’Espagne, quant au viognier on le situe en France, dans la Vallée du Rhône, à Condrieu. Découvrons donc les singularités d’un albariño, ou plutôt d’un alvarinho portugais, et celles d’un viognier romand.

Le paysage façon patchwork

A la dégustation de Quinta de Soalheiro 2022, un 100 % alvarinho surnommé le Classique, on rencontre un vinho verde qui laisse vite apparaître des notes de miel, de citron et une légère salinité en fin de bouche. Arrivent ensuite des arômes de raisins secs, de tilleul et d’amande pour une acidité finale très franche. On apprécie sa minéralité, sa précision vive en bouche. Un vin élevé uniquement dans des cuves en inox et sur des lies fines. Il reste plus complexe plus fruité, que les vinhos verdes traditionnels à l’acidité tonique. A Soalheiro, le cépage alvarinho se travaille aussi à 70 % en assemblage avec du pinot noir pour confectionner un rosé, preuve que ce domaine s’intéresse aux cépages discrets et élégants.

Des vignes d’alvarinho plantées en 1974 par la famille Cerdeira, au nord du Portugal sur les terroirs de Monção et Melgaço, qui constituaient le premier vignoble continu de ce cépage dans la région. Vendangées à la main dans des petites parcelles entourées de montagnes, elles sont traitées comme des jardins entretenus par 50 employés et 200 familles sur au total 92 ha. Le paysage ressemble à un patchwork. Le vin constituant pour la famille Cerdeira une activité secondaire. La famille restant aussi impliqué dans l’oenotourimse et dans la production d’herbes aromatiques pour la cuisine et les infusions. Claudia Stern, rédactrice en chef de Vinum Allemagne, raconte sa rencontre avec ce vin portugais, au Japon, dans un restaurant italien: «Après une vaste découverte de la nourriture japonaise, nous voulions revenir à un traditionnel plat de pâtes, le côté solaire et la grande buvabilité de ce Quinta de Soalheiro nous a enchantés.» Au domaine de Soalheiro, les vins sont réalisés par Maria João. Vétérinaire de formation, elle a amené la vision bio. Au Japon, le vin a été lauréat d’une médaille d’or du prix Femmes et Vins de Sakura et a reçu la même distinction au Mondial de Bruxelles. La complexité suave de ce vin portugais nous rappelle les choix radicaux, de vins d’auteurs, proposés sur la carte du Wine Bar Prova, à Porto.

Mais surtout ce Quinta de Soalheiro par sa fraîcheur, son intensité nous ramène au bord du lac Léman et nous fait penser au côté direct et solaire du Viognier, des frères Dutruy, à Founex, sur la Côte. On déguste le millésime 2022 et là la légèreté s’impose plus que l’opulence. Des qualités que l’on retrouve sur leur gamay, seul vin de ce cépage conservé par la Mémoire des vins suisses depuis 2012. Deux vins enveloppés dans des bouteilles au design élégant et faisant part de la même gamme de prestige Les Romaines, qui tire son nom des colonnes ancestrales de la ville voisine de Nyon.

Des vignobles connectés à la nature

Sur le viognier, avec ce nez miel coing, et cette bouche florale qui rappelle la rose, avec des percées de sureau et une belle amertume finale sur l’agrume. On ose l’associer à une puissante tartine de kimchi coréen, cela n’écrase pas le vin, mais met plutôt en avant ses touches salines.

Les frères Dutruy dans le chais de leur domaine à Founex (VD). (Fred Merz)

Une note de poivre blanc

Le viognier, un cépage qui aime le soleil, les frères Dutruy le cultivent, depuis quinze ans, sur des parcelles à faibles rendements proches du lac. Ils en produisent 2000 bouteilles. Ils apprécient sa finesse. Ils l’élèvent en fûts de chêne dix mois sur lies, ce qui ne donne pas du tout un aspect toasté au vin. Julien Dutruy explique que leur vision biodynamique, sans corrections en cave, avec des vins non collés, vinifiés avec peu de soufre ajouté, emmène le breuvage vers plus de sapidité. Sur les millésimes 2023 et 2024, il détecte une note de poivre blanc. Sur des millésimes vieillis quatre ou cinq ans, il apprécie les arômes d’abricots confits qu’il trouve idéal accompagnant un plateau de fromages. Parallèlement à leurs vingt hectares de vigne, les frères Dutruy gèrent aussi la plus ancienne pépinière viticole de Suisse. En 2017 les frères Dutruy furent sacrés du titre de Cave Suisse de l’année au Grand Prix du Vin Suisse.

Au Portugal comme en Suisse, des visions connectées à la nature donnent des vins de gastronomie et de plaisir qui surprennent et envoûtent.

(Alexandre Caldara)


Une série estivale

Au-delà des régions de production et des sols, certains vins, comme certaines rencontres, en rappellent étrangement d’autres par leurs vibrations telluriques. D’où l’idée de cette série estivale intitulée «Des vins d’ailleurs qui nous ramènent ici».

soalheiro.com
lesfreresdutruy.ch