Malgré un bilan remarquable, les jours du resto solidaire des Charmilles lancé par Walter el Nagar semblent comptés.

Walter el Nagar déplore le manque de soutien dont souffre le Refettorio. (DR)
La situation n’a pas beaucoup changé depuis la fin octobre, ou depuis la fin juin, lorsque nous avons identifié clairement le problème. Ma lettre ouverte et mes interventions médiatiques ont alerté et notre base de soutien s’est mobilisée pour garantir la continuité de ce service essentiel. Pour le reste, rien de spectaculaire: les autorités se retranchent dans leur tour d’ivoire, certaines campant sur des positions étranges et hypocrites.
Ma lettre demande aux autorités, en particulier à la Ville, de reconnaître le Refettorio pour ce qu’il est: une activité d’utilité publique offrant un service essentiel à la population confrontée à la précarité alimentaire. Je ne demande pas qu’on embrasse totalement une initiative innovante, unique au monde, à la pointe dans presque tout ce qu’elle entreprend et qui ne pouvait naître qu’à Genève. Non. Je demande simplement que le Refettorio soit traité comme les autres organisations. La Ville couvre 25 à 30 pour cent du budget de nombreuses associations. Nous, à peine 3 pour cent. Il y a manifestement un problème.
Environ un million de francs, les salaires et le loyer étant les principaux postes.
Trois cent douze bénévoles pour un total de 3450 heures, auxquels s’ajoutent une multitude d’autres collaborateurs. En tout, environ 400 personnes, avec des niveaux d’engagement très variés. Certains quelques heures, d’autres à temps plein, et, dans mon cas, littéralement jour et nuit.
Alfonso Gomez, conseiller administratif en charge du Département des finances, de l’environnement et du logement, nous a toujours soutenus et a au moins la décence de se montrer, même les mains vides, une fois par an. Marjorie de Chastonay est venue le 18 juin pour la célébration du droit à l’alimentation. Nous n’avons pas vu le conseiller d’Etat chargé du Département de la cohésion sociale Apothéloz depuis deux ans. Enfin, la maire Cristina Kitsos n’a jamais réussi à venir pour vérifier le bien-fondé de ses préjugés et s’est même désabonnée de notre newsletter. Par moments, j’ai l’impression d’être à Benevento chez les vieux notabili, pas à Genève.
Il n’est venu que pour l’ouverture et une fois en passant acheter un tableau. Nous avons en revanche été pris à partie par le responsable d’un autre Refettorio, à la suite de notre position claire contre la situation en Palestine. Tout ce qui brille n’est pas d’or.
Plusieurs lieux existent, mais ouverts seulement à midi. Voire deux fois par mois le soir. Au total, 500 à 700 repas sont distribués le midi et 80 le soir, tous au Refettorio. Je m’attendais à ce que les autorités nous demandent d’en ouvrir un deuxième, pas qu’elles mènent une guérilla pour nous faire fermer.
Les plus efficaces sont Carrefour Rue & Coulou, Armée du Salut, Bateau Genève, Le CARE et La Roseraie. Quelques autres, plus ponctuellement.
Douze pour cent de la population souffre d’insécurité alimentaire, soit environ 60 000 personnes.
Aujourd’hui, les autorités municipales et cantonales, armées d’un millier d’excuses préfabriquées, sont en violation flagrante de l’article 38a de la Constitution cantonale. Elles sont tenues par le droit national, et, par osmose, par le droit international, de garantir l’accès au droit à l’alimentation. Mais on connaît la chanson: les droits humains sont essentiels pour justifier des guerres, sanctionner des populations entières ou privatiser des économies nationales. Quand il s’agit de nourrir un petit nombre de personnes dans l’une des villes les plus riches du monde, tout devient extraordinairement compliqué. Une hypocrisie confondante, dans la ville du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme.
(Propos recueillis par Véronique Benoit)