Le jeune chef vaudois du Valrose, à Rougemont, vient d'être couronné Découverte de l'année 2018 par le guide Gault & Millau.
Hôtel historique de 1904, contemporain du MOB, le Valrose est resté fermé durant de longues années. Racheté par un groupe d’investisseurs de la région, il a été l’objet d’un vaste chantier: deux ans ont été nécessaires pour réhabiliter les fondations, tout en préservant façades et toit. Surélevé, rénové avec goût et des envies de confort, ce chalet haut sur pattes est aujourd’hui une interprétation contemporaine du décor alpin, cosy avec ses chaises en cuir, ses parois de bois, sa cheminée et son bar. Une belle métamorphose.
Les investisseurs, il faut dire, connaissent leur partition puisqu’il s’agit notamment d’Edgard Bovier, chef exécutif du Lausanne Palace installé dans la région, de Jean-Jacques Gauer, longtemps directeur du même Palace, et de l’entrepreneur John Grohe. Local et global, le restaurant entend de son côté mélanger résidents et touristes. Et le fait avec succès depuis l’ouverture en décembre 2016.
La cuisine de Florian Carrard, 27 ans et élève modèle d’Edgard Bovier, n’y est pas étrangère. Elle réunit la quintessence du terroir, de la soupe de chalet aux roestis et aux champignons qui abondent dans les forêts du coin, récoltés par une poignée d’amateurs avertis; en amuse-bouche, un mini-malakoff, réinterprété et allégé avec sa planchette de fines lamelles de lard costaud. Mais encore? Une truite étonnante d’une pisciculture gruérienne, servie dans sa papillote emplie de champignons, parfums de sapin, un beau cœur d’entrecôte, beurre Café de Rougemont et ses parfaites pommes allumettes, un peu de gibier local quand il s’en trouve ou sinon les cerfs d’un petit élevage voisin.
Pour le jeune homme, c’était un rêve «le rêve de tout cuisinier, d’être associé à la conception et à l’aménagement d’un tel lieu, au choix des matériaux.» De même, l’emplacement face à l’un des plus beaux décors alpins enflamme ce passionné de ski. «Je pense tous les matins à mes skis en regardant ce paysage, même si je n’ai pas encore eu le temps de m’y remettre.»
Il fut un temps où la pension Valrose, s’approvisionnait auprès de sa propre petite ferme. Le trend Farm to Table avant la lettre en somme, selon le jeune chef, qui n’en est pas si loin avec son propre réseau de fournisseurs. Tout autre chose qu’au Palace pour s’approvisionner. «Les producteurs sont à pied d’œuvre à l’exception de quelques grossistes, pour dépanner de temps à autre. On a les légumes et produits frais de la région, le bonheur des fromages de l’Etivaz, des tommes et des gruyères d’alpages, un formidable boulanger à Saanen, un apiculteur, un super boucher, les œufs de la ferme, les herbes et les fleurs sauvages à la belle saison», que Florian aime aussi récolter lui-même, en amoureux de la nature, lorsqu’il a le temps.
Parmi les standards de sa petite carte, un tartare de bœuf parfumé aux bourgeons de sapin, un émincé de veau aux champignons, le burger Valrose avec ses oignons caramélisés, son pain multicéréales, mayo relevée et tomme fleurette gratinée, la Fondue Valrose, mélange maison avec ses déclinaisons aux truffes ou champagne. La carte change toutes les deux semaines et offre aussi des plats du jour imbattables, style poulet rôti de la Gruyère, pommes nouvelles, légumes et jus, ou alors une truite au naturel avec sa mousseline de céleri, bref le bonheur sur la terrasse ou au coin de la cheminée. Etre tout de suite projeté à 14 et élu Découverte de l’année par le Gault & Millau, il ne s’y attendait «vraiment pas», mais se dit «très fier et heureux de poursuivre sur la même ligne!»
(Véronique Zbinden)