Malgré l’assouplissement des conditions d’exploitation intervenu le week-end dernier, le président de Gastrovaud insiste sur les nombreux défis auxquels les restaurateurs sont toujours confrontés.
Gilles Meystre, vous êtes président de Gastrovaud. Quel bilan les restaurateurs vaudois tirent-ils un mois après la réouverture des établissements publics?
GillesMeystre: Négatif! Sur le plan financier, notre troisième sondage lancé vendredi dernier révèle que seuls 12% des établissements ont retrouvé la rentabilité. A l’inverse, 56% ne sont pas rentables et le solde attend encore pour se prononcer. Une situation gravissime donc, principalement due au maintien de la règle des deux mètres qui réduit drastiquement la capacité d’accueil et, par conséquent, le chiffre d’affaires des restaurateurs.
Comment avez-vous jugé l’ambiance des restaurants quand vous y êtes vous-même retourné?
Plutôt morose au début, puis meilleure, grâce à la météo positive de l’Ascension et de Pentecôte. Les terrasses ont souvent fait le plein. Même avec la peur au ventre, les restaurateurs ont accueilli avec plaisir et dignité leur clientèle. Je tiens à leur tirer mon chapeau, d’autant que les contrôles effectués par les autorités ont débouché sur une seule dénonciation pour mille inspections. C’est dire le sérieux avec lequel le plan de protection a été appliqué.
Quel est le principal défi actuel des restaurateurs?
Déconfiner la rentabilité! Poursuivre les combats inachevés comme celui des réductions de loyers, obtenir des réponses dignes de ce nom des assureurs… Les défis sont nombreux, car la relance sera longue. C’est donc à nous d’améliorer les conditions-cadres, sans tabou, pour éviter des naufrages.
Depuis le 6 juin, les conditions d’exploitation ont été légèrement assouplies. Est-ce que cela change véritablement la donne?
A l’exception des groupes qui sont à nouveau autorisés, les assouplissements sont des mesurettes. Elles sont d’autant plus incompréhensibles que d’autres secteurs n’ont pas les mêmes contraintes. Prenez la règle des deux mètres: Berne la maintient pour la restauration, mais autorise un seul mètre dans les cinémas et rouvre les services de prostitution. A croire que le virus n’entre pas de la même manière partout…
La branche risque-t-elle d’être décimée à terme à cause du coronavirus?
Le risque est réel. Ceux qui péclotaient déjà avant la crise ne pourront sans doute pas se relever. Mais d’autres sont fragilisés: les établissements sans terrasse et/ou localisés dans des zones encore en télétravail. Sans parler de ceux qui n’ont pu bénéficier des aides attendues (loyers, assurances épidémies, etc.), qui les avaient parfois surestimées (APG) ou qui n’ont touché qu’une aumône de 3320 francs par mois versée aux employeurs salariés de leur entreprise.
Estimez-vous que les mesures prises par l’Etat pour contrer les effets de la pandémie ont été suffisantes?
Clairement non. Elles doivent être prolongées et développées, en particulier dans le domaine du chômage. 14% des restaurateurs vaudois affirment licencier du personnel prochainement et 40% y songent. C’est un tsunami économique et social qui s’annonce et qu’il faut éviter à tout prix. Il en va de la responsabilité de tous, patronat, syndicats, autorités.
Y a-t-il un risque que le nombre de places d’apprentissage soit revu à la baisse à la rentrée prochaine?
Oui, car le processus habituel de recrutement a été bouleversé. Par chance, le canton de Vaud a débloqué 16 millions de francs pour financer 50% du salaire annuel des jeunes qui débuteront leur apprentissage à la rentrée. Une démarche essentielle pour assurer la relève de nos métiers. Reste maintenant à motiver les patrons à former, malgré leurs difficultés. L’appel est lancé!
Quels sont vos pronostics pour la saison estivale?
Plusieurs actions visant à soutenir la demande et la relance sont lancées. J’espère que la clientèle sera au rendez-vous. Et que les Suisses privilégieront des vacances au pays.
(Propos recueillis par Patrick Claudet)