La coopérative agricole suisse Fenaco a repris Provins. Au passage, la coopérative valaisanne a été transformée en SA.
Provins restera, au sein du groupe suisse, une entreprise valaisanne. Les 3000 sociétaires, devenus actionnaires minoritaires (à hauteur de 30% du capital) seront payés pour la vendange 2019, d’ici fin avril. Jusqu’ici, ils n’avaient reçu que 10% de rétribution sur les raisins fournis. Les 70 employés devraient conserver leur emploi, sous la direction du Soleurois Otmar Hofer, un ancien cadre des entreprises contrôlées par Migros (dont la source d’eaux minérales valaisanne Aproz), qui avait remplacé en début d’année le Valaisan Raphaël Garcia, en désaccord avec son conseil d’administration.
Ainsi, la coopérative voulue par l’homme (conservateur) qui a forgé le Valais moderne au début du XXe siècle, le conseiller d’Etat Maurice Troillet, n’aura pas tenu un siècle, mais à peine 90 ans. Avant même que le nom de Fenaco apparaisse, l’idée de transformer la coopérative en société anonyme avait été évoquée, après les pertes successives de 2018 et 2019. Non seulement la coopérative ne pouvait pas payer les dernières vendanges (il manquait un peu plus de 13 millions de francs), mais elle devait presqu’autant en emprunts auprès de sociétaires et d’institutions. Et de surcroît, 19,3 millions de francs aux banques. Fenaco apporte 50 millions de francs: une moitié pour acquérir 70% du capital, l’autre pour éponger les prêts et dettes bancaires.
Ce montage financier qui assure aux ex-sociétaires de retrouver leurs billes a été approuvé à une écrasante majorité. Pour cause de Covid-19, l’ex-coopérative a fait l’économie d’un débat qui aurait pu être houleux en «live», lors d’assemblées prévues le 14 avril. Et qui ont été remplacées par une consultation par poste avec échéance à la même date. 80% des sociétaires ont répondu et dit oui à la transformation en SA, puis à la prise de participation majoritaire par Fenaco, par plus de 95% des votes exprimés.
Dans quelle mesure ce rachat va modifier le paysage du vin suisse? Dans un premier temps, libérée de prendre en charge toute la vendange, la nouvelle SA devra signer des contrats avec chaque fournisseur. Les actionnaires qui s’estimeront non satisfaits pourront vendre leurs actions à Fenaco, qui s’engage à les reprendre jusqu’à fin 2021 à un tarif déjà fixé (lié à l’évolution des fonds propres). Sur 780 hectares pris en charge, Provins en cultive un tiers. Pour cette année 2020, la cave s’attend à devoir vinifier entre 6 à 7 millions de kilos de raisin, donnant 5 à 6 millions de litres de vins.
Le nouvel acquéreur mise sur l’ouverture sur le marché suisse alémanique. Le réseau dense des points de vente Landi et Volg en Suisse alémanique, devrait ouvrir la porte aux vins de Provins. Ceux-ci sont déjà embouteillés près de Lucerne, chez Bataillard SA. Mais les flacons de Provins (plus de 100 vins, répartis en diverses gammes, du bon marché au plus cher — que deviendra la «danseuse» Electus dans ce contexte?) n’arrivent pas en rayons dépourvus. Et, du jour au lendemain, les Alémaniques ne vont pas se mettre à boire deux fois plus de vins valaisans…
Fenaco devra donc renoncer à des vins valaisans de ses fournisseurs actuels, notamment la Cave Valcombe, où siège le nouvel homme fort de Provins, Christian Consoni, qui en préside le conseil d’administration. Ce dernier, membre de la direction de Fenaco, chef de la division industrie alimentaire et du département boissons, vient de renoncer, cette semaine, à la présidence d’une autre filiale, celle du jus de pomme Ramseier. Il préside aussi DiVino, qui regroupe l’importateur Garnier (pour 5 millions de litres) et le producteur Volg, à Winterthour. L’avenir de la SA Provins est devant elle et se joue en Suisse alémanique.
(Pierre Thomas)
Davantage d’informations:
www.provins.ch