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Bocuse d’Or Europe: une affaire de goût

C’est en tout cas le credo de Christoph Hunziker, qui représentera la Suisse le 23 mars à Budapest lors de la plus disputée des sélections continentales.

Christoph Hunziker et Céline Maier en plein entraînement le 28 févrirer. (DR)

Quand on quitte l’autoroute à la sortie de Münchenbuchsee, Schüpfen (BE) est au bout d’une longue saignée d’asphalte qui traverse un décor verdoyant. C’est là que l’on retrouve Christoph Hunziker, finaliste suisse du Bocuse d’Or Europe qui se tiendra les 23 et 24 mars à Budapest. Le Bernois est en cuisine avec sa commise Céline Maier. Non pas au Schüpbärg-Beizli, l’établissement qu’il tient dans le village avec son épouse Sarah, mais dans un hangar prêté par la maison Ruocco. L’Académie du Bocuse d’Or y a aménagé la cuisine d’entraînement qu’elle met à disposition des finalistes helvétiques, et qui est l’exacte réplique de celle dans laquelle le Bernois se retrouvera dans moins d’un mois.

Soutien amical à un voisin

Au moment de pousser la porte, on s’attend à voir le chef en action et sentir le frémissement du coup de feu; le hangar est désert, à l’exception de vieilles voitures américaines – une Mustang, plusieurs Chevrolet, dont un modèle Camaro – qui accueillent le visiteur un peu surpris. Ces bolides, ce sont ceux de Nino Ruocco, à la tête de l’entreprise qui porte le nom de son père, et où œuvre déjà la troisième génération, en l’occurrence ses deux enfants. Christoph Hunziker? «C’est un voisin, un ami. Alors je lui ai tout de suite proposé cet espace. Son restaurant est à cinq minutes, c’est idéal», lance l’entrepreneur spécialisé dans le commerce de produits italiens, et dont l’entreprise grille jusqu’à une tonne de légumes par semaine, qui sont ensuite vendus à la restauration et à la grande distribution.

Eloge du goût et du terroir

Quittons le musée de l’automobile et entrons dans la cuisine, qui se cache derrière une porte discrète. A l’intérieur, changement de décor: Christoph et Céline, épaulés par une seconde commise qui change toutes les semaines, et ce pour mimer les conditions réelles du concours durant lequel ils devront travailler avec une personne qu’ils ne connaissent pas, sont en train de finaliser la première assiette végétarienne. Conformément au règlement, elle est à base de pommes de terre, un ingrédient incontournable de la cuisine hongroise, et elle doit être accompagnée d’un jus ou d’une sauce. L’assiette arrive: le secret qui entoure la préparation au concours interdit d’en dire trop sur cette déclinaison de trois variétés de patates tout en finesse, mais disons que les différents éléments, dont la sauce, se caractérisent par un goût franc. Le goût, justement. Dès sa victoire lors de la sélection suisse à Genève, le Bernois avait dit son intention de miser sur cet aspect, fondamental dans sa cuisine. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il a choisi le thème programmatique de «Schüpberg authentic» en prévision de sa prestation à Budapest. Une manière de souligner son attachement à des produits locaux, de saison et provenant parfois même de la ferme voisine.

Quid du plat, qui fait lui aussi partie du programme de cinq heures et trente-cinq minutes? Il doit être élaboré à partir d’une selle et d’une cuisse de chrevreuil, ainsi que d’un foie de canard, tout en étant agrémenté de deux garnitures – servies l’une sur le plat, l’autre à part – à base de crème aigre et cottage cheese. Christoph en livre une interprétation très personnelle dans une scénographie de prime abord minimaliste, mais qui prend une certaine ampleur après l’ajout d’une sauce à la belle acidité. A Budapest, la seconde garniture sera disposée dans un contenant à part; à Schüpfen, elle est déposée par le chef directement dans l’assiette dans un geste d’une simplicité amusante en regard de la finesse déployée dans le plat.

Pendant tout l’entraînement, Dominic Bucher veille au grain. Le finaliste suisse de 2005 est le coach attitré de Christoph. Comme il travaille au home de Schüpfen, il passe souvent voir son poulain qui s’entraîne quatre jours par semaine. «Entre Dominic et Christoph, il y a un vrai ­rapport de confiance, ce qui est fondamental entre un candidat et son coach. Quand Dominic le conseille, il l’écoute», confie Lucien Mosimann, coordinateur de l’Académie suisse du Bocuse d’Or. L’objectif final? Décrocher à Budapest l’une des dix places qualificatives.

(Patrick Claudet)