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Des solutions simples contre le gaspillage

La Suisse s’attaque enfin à cet énorme gâchis: un groupe d’experts a notamment réévalué les dates de péremption. De quoi éviter la poubelle à plusieurs milliers de tonnes de produits.

Réduire le gaspillage alimentaire de moitié, tel est l’objectif de l’Agenda 2030. (Keystone-ATS)

Quand on lit qu’un tiers des aliments produits en Suisse sont perdus ou gaspillés tout au long de la chaîne alimentaire, la chose peut encore paraître abstraite, voire lointaine. Mais à scruter de plus près les chiffres et les faits détaillés par la plateforme Foodwaste, on ne peut qu’être choqués: ce tiers correspond à 2,8 millions de tonnes de denrées alimentaires détruites chaque année, alors qu’elles sont souvent parfaitement consommables, voire irréprochables. Ou au contenu de 150 000 camions formant une colonne de Zurich à Madrid. Rapporté au nombre d’habitants, cela signifie que chaque Helvète jette 330 kilos de nourriture par an.

Une stratégie nationale

Jusqu’ici insensible à cet énorme gâchis, la Suisse empoigne enfin le problème. L’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) a mandaté un groupe d’experts à cette fin, qui présentait le résultat de ses travaux fin novembre à Berne. Pour la première fois, des spécialistes issus des milieux scientifiques et économiques, de la distribution et de l’aide alimentaire ont collaboré pour ébaucher la stratégie Foodsave 2025. Parmi ceux-ci, Claudio Beretta, président de l’association Foodwaste.ch et expert en durabilité à l’Université des sciences appliquées de Zurich (ZHAW), Corinne Gantenbein, microbiologiste dans le domaine alimentation auprès de la même ZHAW, ainsi que des responsables de la Fédération des Industries Alimentaires Suisses (FIAL), du groupe d’entreprises du secteur agricole Frigemo et de l’association d’entraide Table couvre-toi.

«On estime que la plupart des denrées jetées le sont à un stade où elles sont encore consommables, voire irréprochable, sur le seul critère de la date de péremption. Selon un sondage mené cet été, c’est le cas d’au moins 20 % des denrées qui passent à la poubelle dans les ménages privés», note Claudio Beretta. Tous les acteurs de la chaîne sont concernés par ce tableau puisqu’on estime que les ménages et la restauration sont responsables ensemble de 35 % de ce gâchis (28 et 7 % respectivement), contre 10 % pour le commerce de détail, 20 % pour l’agriculture et 35 % le secteur de la transformation.

Nouvelles recommandations

«La durée de conservation offre des pistes d’action concrètes, et nous nous sommes inspirés d’expériences menées avec succès dans les pays voisins, dont l’Italie», explique l’expert. Comment calculer dès lors la durée de conservation optimale des aliments? Elle dépend de leur teneur en eau et leur potentiel hydrogène (pH), mais aussi de la façon dont on les stocke; la plupart de ces données ont été étudiées et sont connues, résume en substance la microbiologiste Corinne Gantenbein. Il n’a donc pas été nécessaire de se livrer à des analyses approfondies mais plutôt à des observations liées à l’entreposage en labo de différents produits de grande consommation, puis à des études de sources et des recoupements. La mission des scientifiques consistait ainsi à prolonger au mieux cette longévité, sans implication sensorielle ni risque sanitaire. Les deux notions clés de la sécurité du consommateur et de la durabilité ont guidé leur démarche.

A partir de ces données, le groupe de travail a établi un tableau de recommandations pour une «Consommation sans risque», ponctué de couleurs vives et de pictogrammes représentant les différents groupes d’aliments (confiseries, laitages frais ou pasteurisés, pâtes alimentaires et riz, matières grasses, boissons, chocolat, conserves, etc.). Au cœur de ce tableau, reproduit sur un flyer, une nouvelle date de durabilité minimale (DDM+) élargit le concept de péremption de 6 à 360 jours, selon la catégorie.

Le secteur Horeca concerné

La DDM+ fixe le cadre permettant d’optimiser la longévité d’une denrée pour autant qu’elle soit stockée de manière appropriée. Autre nouveauté, la surgélation permet de prolonger la viabilité de certains produits, en particulier les plus fragiles, tels que les pâtisseries à l’œuf cru ou la viande découpée. Les produits congelés dans les règles avant l’expiration de leur date limite de consommation (DLC) pourront désormais être donnés et utilisés pendant 90 jours supplémentaires. Le tableau recommande pour un produit avec une DDM de se fier à ses sens pour observer s’il a changé d’aspect (moisissures, viscosité, etc.) ou s’il dégage une odeur désagréable ou inhabituelle (moisi, soufré, rance, putride, âcre, etc.), et, enfin, si rien n’est décelable par la vue et l’odorat, de goûter pour repérer la présence de saveurs inhabituelles (acidité, amertume, picotement, etc.). A ce stade seulement, on renoncera à le consommer.

«La plupart des denrées jetées le sont quand elles sont encore consommables»

Claudio Beretta, président de l’association Foodwaste.ch


Le secteur Horeca représente un potentiel substantiel pour réduire le gaspillage alimentaire, grâce à ces nouvelles recommandations, souligne l’expert en durabilité. Qui invite aussi à une réflexion sur nos gestes quotidiens et suggère d’adopter quelques réflexes simples. «On songe en premier lieu aux buffets, souvent lieu de surabondance, dont on pourrait réduire le choix vers la fin du service. On peut aussi proposer les mets restants aux clients, voire réduire les prix vers la fin quand le choix diminue, ou encore les offrir via Too Good To Go ou d’autres associations.» Claudio Beretta suggère également de réduire les portions avec l’option de se resservir, de limiter l’offre ou de se concentrer plutôt sur la qualité, la fraîcheur et la saisonnalité. En amont, on pourrait aussi accepter d’acheter les fruits et légumes qui ne correspondent pas aux normes esthétiques, d’autant que dans les plats cuisinés l’aspect originel n’est plus visible. Enfin, pourquoi ne pas généraliser la pratique du doggy bag?

La deuxième étape de Foodsave 2025 s’articulera autour d’une vaste campagne de communication auprès de tous les publics. Ses objectifs? Accompagner l’industrie, les détaillants et la restauration, et sensibiliser les consommateurs.

(Véronique Zbinden)


Davantage d’informations:

foodwaste.ch