Confinés ou semi-confinés, bousculés dans leurs habitudes, les gastronomes ont développé ces deux dernières années un nouveau rapport aux autres et à la nourriture. Le point sur les tendances qui émergent à l’heure où les mesures sanitaires tombent.
Pour comprendre les résultats de l’étude menée par Nelly Rodi pour le compte de l’opérateur The Fork, leader de la réservation de restaurants en ligne, un mot sur la méthodologie. L’agence de conseil internationale a rassemblé des données en provenance de multiples canaux, dont les réseaux sociaux, afin d’en extraire les indices permettant d’esquisser les tendances sociétales nées sous de l’ère du Covid. De cette observation «détaillée et exhaustive» ont alors surgi quatre grands mouvements.
Le premier consiste en un retour aux origines, qui passe notamment par la redécouverte de produits anciens et l’essor des cuisines du monde. Les produits anciens? Ce sont par exemple des céréales telles que le kerzna, le tamarin, le fonio, le teff, le millet ou le sorgho, dont l’avantage est aussi bien nutritif que gustatif, et qui séduisent par leur capacité à réactualiser des goûts d’antan avec ce que la pratique a de rassurant dans un monde en profonde mutation. Dans le même esprit, l’étude relève le retour massif à une forme de tradition culinaire, dont l’effet est l’irruption sur la scène internationale des cuisines africaines, entre autres. «L’Afrique est sans conteste la prochaine tendance gastronomique», souligne Myriam Saadaoui, directrice Markerting pour la Suisse, l’Allemagne et l’Autriche chez The Fork. Preuve en est la hausse des requêtes pour certaines recettes traditionnelles sur les réseaux sociaux, sans oublier l’inscription au patrimoine immatériel de l’Unesco du thiéboudiène, plat national sénégalais.
Vient ensuite la durabilité, érigée en modèle avec le souci de miser sur des processus responsables. Et pour cause: la demande alimentaire mondiale génère 22 à 37 % des émissions de gaz à effet de serre. Dans ce cas, il s’agit de lutter contre le gaspillage alimentaire, à l’instar de Uncle Gau, restaurant eurasien prônant à Lausanne une approche zéro déchet, de promouvoir l’agriculture urbaine ou de valoriser les alternatives aux protéines animales.
L’alimentation consciente, envisagée à travers le prisme du bien-être physique ou psychologique, est la troisième des tendances observées, avec le «no diet mood» préconisant l’écoute de ses envies. Quant à la dernière, elle s’articule autour des innovations technologiques. «Leur implémentation a connu une véritable accélération sous l’effet du Covid. Nous l’avons vu à notre niveau, avec la mise en place à l’interne et dans un délai très court de nouvelles fonctionnalités facilitant notamment la livraison et la vente à emporter. Nous l’observons aussi à une plus large échelle, qu’il s’agisse de la réalité augmentée, de la nourriture imprimée en 3D comme chez Food Ink à Londres ou encore de l’arrivée des NFT dans l’industrie alimentaire», commente Myriam Saadaoui. Les NFT? Trois lettres pour désigner les non-fungible tokens, soit des créations numériques non reproductibles. «Certains chefs les utilisent pour protéger leurs plats signatures, par exemple, ces derniers accédant dès lors au statut d’œuvres d’art. C’est une manière de valoriser la gastronomie et signifier sa valeur inestimable, comme chacun a pu s’en rendre compte durant la pandémie.»
(Patrick Claudet)