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Massimo Bottura «Une révolution humaniste»

Depuis l’ouverture en 1995 de l’Osteria Francescana, à Modène, élu deux fois meilleur restaurant du monde, le chef bouillonnant a multiplié les projets et les distinctions.

Massimo Bottura a ouvert le premier Refottorio en 2015. (Filippo L’astorina)

Massimo Bottura, quel a été le déclic de votre engagement?
Tout a commencé en 2013, à la veille de l’Expo universelle de Milan, dont le thème était «Nourrir la Planète», quand le gouvernement est venu à Modène pour nous associer au projet, qui prévoyait des célébrations et des fêtes inouïes. Ils ne m’ont pas demandé ce que le thème m’inspirait et j’ai donc imaginé mon propre concept. Tout le monde a pensé que j’étais cinglé, j’ai l’habitude. Pour moi, nourrir la planète, c’est d’abord lutter contre le gaspillage: c’est notre objectif depuis le premier jour au restaurant, où l’ensemble des ingrédients non utilisés sont valorisés pour les repas de l’équipe.

C’est ainsi qu’est né le ­Refettorio Ambosiano ...
A l’époque, il y avait beaucoup d’immigrés africains à Milan, qui dormaient dans la rue. J’ai imaginé transformer un site désaffecté du centre ville en un lieu magnifique où cuisiner les surplus pour les sans-abris. Là-dessus, le Pape François nous a proposé ce théâtre du quartier périphérique de Greco, nous offrant de mettre en lumière la périphérie, les marges. A partir de là, ça a été très simple de convaincre des artistes, designers, architectes de s’associer au projet, et de faire venir des chefs du monde entier.

Aujourd’hui, votre fondation Food for Soul est à l’origine d’un incroyable réseau international.
Nous avons treize Réfectoires dans neuf pays, dont Genève est le dernier, et beaucoup d’autres projets. Chacun est un peu différent: Paris est ouvert le midi aux clients payants, avec de bons prix et sert des repas gratuits le soir, comme Genève. Milan a un programme caritatif incroyable avec Caritas, Londres loue ses espaces. Alors que Rio a une formidable Ecole de cuisine qui aide les femmes à sortir de la pauvreté en les formant. Chaque lieu a son identité et son concept.

Combien de repas sont servis?
Plus d’un demi-million en 2020, plus d’un million en 2021. Il faut s’imaginer le volume de ce qui a été préservé, toute la nourriture qui n’a pas été détruite. Food for Soul est désormais un mouvement planétaire, soutenu par de grandes entreprises, qui relie des citoyens du monde entier: ça nous a permis d’ouvrir six réfectoires en un an et demi: Merida, Lima, New York, San Francisco, Sydney et maintenant Genève.

L’engagement est un devoir pour vous?
Quand nous avons ouvert le ­premier Refettorio, je venais de décrocher le titre de meilleur restaurant du monde, et j’éprouvais le besoin de rendre une part de ma chance et de mon bonheur. ­Aujourd’hui, tout le monde construit des murs; nous tentons au contraire d’abattre des murs et de partager nos vies avec les plus fragiles.

José Andres ou Daniel Humm ont aussi épousé des causes solidaires, éthiques, environnementales. Le rôle des chefs s’est transformé radicalement ces dernières années?
Nous avons tous une approche différente: José Andres intervient dans l’urgence, lors de catastrophes naturelles, pour nourrir les populations sinistrées, et c’est un concept fantastique. Pour moi, il s’agit davantage de projets culturels, mais nous avons commencé à peu près en même temps (José Andres en 2010), nous sommes en quelque sorte deux pionniers, qui avons été beaucoup suivis au cours de ces dernières années. Je crois qu’on peut parler d’une révolution humaniste des cuisines.

(Propos recueillis par Véronique Zbinden)


Davantage d’informations:

foodforsoul.it