Alors que la levée des mesures contre le coronavirus semblait promettre un nouveau départ, la guerre en Ukraine plonge le secteur hôtelier dans une grande incertitude.
Le hasard a voulu que Suisse Tourisme organise sa conférence de presse annuelle le jour où la Russie a lancé son offensive contre l’Ukraine. C’était le 24 février dernier, et, s’il avait dans un premier temps prévu d’annoncer un retour probable à la normale en 2023, Martin Nydegger a dû réfréner son enthousiasme en raison de l’actualité brûlante (voir HGH n° 05/2022). Quelques jours plus tard, l’organisme de promotion annonçait d’ailleurs la cessation de toutes ses activités en Russie et en Ukraine, précisant que les partenaires du marché russe pouvaient annuler leurs réservations sans complications administratives. «Les conséquences du conflit russo-ukrainien nous inquiètent, parce que ça peut avoir des conséquences importantes sur le tourisme au plan international et sur le tourisme suisse aussi», confiait de son côté Véronique Kanel, porte-parole, au micro de La Matinale sur les ondes de la RTS. En cause: la crainte, bien réelle, de voir les touristes en provenance de pays lointains comme l’Amérique du Nord ou l’Asie renoncer à un voyage en Europe en raison de l’incertitude causée par un conflit dont l’issue est encore largement imprévisible.
Pour les opérateurs touristiques, c’est un nouveau coup dur. Ereintés par deux années de pandémie qui ont vu l’instauration de mesures strictes visant à éviter la propagation du virus, ils abordent le printemps et la saison estivale avec beaucoup d’incertitudes. Pour l’heure, les conséquences touristiques du conflit ne peuvent toutefois pas encore être chiffrées, mais les spécialistes s’attendent à ce qu’elles se fassent ressentir dans l’ensemble des régions touristiques, y compris en Suisse romande, car les visiteurs russes seront probablement absents au cours des prochains mois. Et si ces derniers représentent environ 360 000 nuitées hôtelières, ce qui correspond à une part de marché d’à peine un pour cent, le manque à gagner sera réel. Les Russes, en effet, sont souvent des touristes à haute valeur ajoutée et ils voyagent aussi durant la baisse saison. Oubliée donc l’euphorie légitime ressentie à la lecture des statistiques de janvier, mois durant lequel le redressement du secteur hôtelier s’était poursuivi grâce à une hausse de 71,3 % en rythme annuel, à près de 2,2 millions de nuitées, selon le dernier relevé de l’Office fédéral de la statistique. Et place à une nouvelle forme de menace, d’autant plus cruelle qu’elle s’accompagne d’une tragédie humaine qui frappe l’Ukraine en plein coeur.
La détresse des Ukrainiens ne laisse d’ailleurs pas les professionnels de l’hôtellerie-restauration ni la population indifférents. Ainsi, les collaborateurs de l’hôtel Art Deco Montana de Lucerne ont récolté 3100 francs en faveur des victimes de la guerre. La direction a doublé le montant et rajouté encore 10 000 francs en signe de solidarité. De son côté, Michel Péclard, à la tête d’une quinzaine de restaurants à Zurich, a organisé un événement de bienfaisance à Zurich et fait un don de 9000 francs. A l’échelle nationale, la Chaîne du Bonheur a mis sur pied il y a quelques jours en collaboration avec la SSR une journée nationale de solidarité en faveur de la population ukrainienne. Pour cette seule journée du 9 mars, plus de 50 millions de francs ont été promis, un montant qui s’ajoute aux plus de 30 millions de promesses de dons déjà reçues la veille au soir.
(Patrick Claudet)