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Abraham Balaguer représentera la Suisse

Le pâtissier-chocolatier d’origine catalane est chargé de recherche et développement chez Christian Boillat. Son point fort? Une créativité débridée.

  • Le Vaudois d’adoption en plein travail lors de la finale suisse en janvier. (DR)
  • Sa pièce maîtresse: une poubelle verte débordant de végétaux colorés.
  • La neige, la glace, les feuilles et les fleurs, les formes mouvantes de la nature sont la première inspiration d’Abraham Balaguer.

Il a fait entrer un zeste de folie dans la sage pâtisserie-chocolaterie suisse, notamment grâce à son tiramisù tomme vaudoise-pomme de terre-chocolat. Responsable de la recherche et développement de la maison Christian Boillat, il dirige une équipe de 25 personnes et vient de remporter la sélection suisse des World Chocolate Masters, à Zurich, le 24 janvier. Abraham Balaguer, 42 ans, succédera à Elias Läderach pour défendre les couleurs helvétiques lors du Salon du chocolat de Paris. Le même Elias Läderach, vainqueur des World Chocolate Masters 2018, était à son tour un des membres du jury qui a élu Abraham.

Le virus des concours

Notre homme n’est pas précisément un inconnu dans la foodosphère, passé entre autres par deux des meilleurs restaurants de tous les temps, aux côtés des frères Roca et de Ferran Adrià, avant de faire un détour par le Ritz puis de créer sa propre entreprise dans la même ville de Barcelone. Couronné Meilleur jeune pâtissier d’Espagne en 2000, le Catalan a toujours été aiguillonné par le virus des concours; il signe le meilleur croissant artisanal au beurre d’Espagne (2012) et les meilleures mignardises (2016), s’illustrant aussi lors du Championnat du monde du chocolat à Las Vegas, de la Coupe du monde de Valrhona ou encore des concours nationaux de pâtisserie d’Espagne.

Avant Zurich, il s’était déjà distingué en terminant deux fois deuxième des sélections espagnoles des mêmes Chocolate Masters. Cette tentative aura été la bonne pour le quadra à l’œil malicieux. A Zurich, il a bluffé le parterre lors des cinq épreuves, couronnées par la réalisation d’une sculpture géante entièrement en chocolat. Le jury s’est dit impressionné par la maîtrise des saveurs et des textures, mais aussi par l’aspect esthétique de chacune de ses créations. La pièce maîtresse? Plutôt culottée, son évocation d’une poubelle verte donnant naissance à un foisonnement de pousses et de végétaux colorés, poivrons, oignons, avocats et autres anthuriums.

Dans sa vidéo de présentation, on découvre Abraham dans son environnement quotidien de Montricher (VD), village blotti au pied du Jura, où il s’est installé en 2018. La forêt lui avait déjà inspiré le menu à quatre mains cosigné avec son ami Rafael Rodriguez, le bouillonnant chef de l’Auberge de l’Abbaye de Montheron, qui le convia à l’événement. A cette occasion, un entrepreneur le remarque et lui propose une collaboration. «C’est comme ça que je suis arrivé en Suisse», se souvient Abraham, auréolé par son CV impressionnant. L’entrée à vingt ans chez Ferran Adrià, à la grande époque d’El Bullì, laboratoire d’une créativité foisonnante, trois étoiles le plus encensé et novateur de l’ère contemporaine. Nous sommes au début des années 2000 et le jeune pâtissier-chocolatier ne tarde pas à diriger l’équipe créative d’une dizaine de pâtissiers. Il se souvient de cette frénésie de réinvention, des techniques révolutionnaires et du climat d’émulation, mais aussi du stress et de la pression inouïe qui vont finalement le pousser à quitter Rosas au bout d’un peu plus d’un an. Abraham passera ensuite par le Celler de Can Roca, autre haut lieu de la créativité gastronomique, puis les cuisines du Ritz, avant de créer Sweets, sa propre entreprise à Barcelone, en 2015.

Un sens inné des associations

Abraham adore explorer de nouvelles voies et le fait désormais en jouant sur la partition du terroir suisse et vaudois. Il collabore avec l’agrumiculteur passionné Niels Rodin, dont les 150 variétés s’épanouissent sur son étonnant domaine de Borex. De quoi lui inspirer un dessert 100 % végane: pâte feuilletée à l’huile de colza locale, ganache chocolat noir-courge et kumquat, praliné graine de courge. Un petit bijou de bonbon présenté à Zurich sur une feuille de géranium rosat du même Niels au parfum envoûtant.

«Une des grandes forces d’Abraham est son sens des associations, parfois insolites, déconcertantes mais qui fonctionnent parfaitement», estime Christian Boillat. Il est arrivé pour repenser la gamme et développer la pâtisserie-chocolaterie et il a notamment créé, pour les fêtes, une nouvelle série de bûches sur le thème du voyage. L’Asie avec riz au lait et coco, biscuit au thé matcha, mousse aux deux citrons et insert au riz. L’Amérique avec un pecan pie et une mousse choco-vanille. Ou encore l’Italie mariant la noisette du Piémont et les agrumes. Pas toujours facile d’innover dans l’univers classique des desserts, en particulier quand on n’est ni à Paris ni à Tokyo, mais ses bûches ont fait voyager une clientèle conquise.

Les goûts d’enfance d’Abraham? Le simple et délicieux pan con tomate typiquement catalan, du pain parfumé avec une bonne huile d’olive et une pincée de fleur de sel. Oui, mais dans sa famille, on le croque avec quelques carrés de chocolat noir… Il doit y avoir un gène dans le clan Balaguer qui les fait craquer pour le cacao et y puiser aussi une formidable inspiration. Le père d’Abraham est lui-même un fameux pâtissier et, dans sa fratrie, ils sont trois sur quatre à avoir suivi sa voie. L’aîné Oriol, star en Espagne et bien au-delà, est incontestablement l’un des plus créatifs de sa génération, distingué à de multiples reprises et auteur d’ouvrages de référence, avec qui Abraham a collaboré.

Prochaine étape, Paris, son Salon et son défilé de robes de cacao: une compétition organisée par le groupe Barry Callebaut, mettant aux prises une vingtaine de pays. Rendez-vous le 28 octobre prochain.

( Véronique Zbinden)


Davantage d’informations:

worldchocolatemasters.com
confiserieboillat.ch