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La cuisine birmane revisitée par une cheffe nomade

La cheffe Goo Goo a exploré le répertoire fascinant du Myanmar avec des ingrédients locaux dans le cadre d’un événement récent au Refettorio Geneva.

  • Phyu Cyn s’est lancée en cuisinant pour des amis, avec succès, lorsqu’elle vivait en Angleterre. (DR)
  • Le répertoire du Myanmar décline de nombreux currys, au gré des régions.

Elle a appris l’essentiel grâce à sa grand-mère qui l’a élevée, à Yangon, et qu’elle a aidée en cuisine depuis toute petite; elle a aussi séjourné dans de nombreux monastères bouddhistes, dont elle s’inspire aujourd’hui. Phyu Cyn, dite aussi Cheffe Goo Goo, réinterprète son héritage avec passion et au gré des ingrédients des marchés locaux des lieux qu’elle visite.

Influences multiples

Peu connu en Europe, ce répertoire d’une grande diversité vaut le détour. Notamment si l’on songe aux influences croisées des grands voisins chinois et indiens, mais aussi thaïlandais, du Myanmar, à la biodiversité d’un territoire deux fois plus grand que l’Italie, dont les climats vont des plaines arides et chaudes du centre aux zones froides et montagneuses du nord et de l’est, jusqu’aux zones côtières de la mer d’Andaman.

On utilise beaucoup le gingembre, l’ail et le piment, les légumineuses, pousses et autres feuilles fraîches, la pâte de crevette séchée pimentée, le tamarin, et diverses techniques de fermentation, y compris à base d’eau de trempage du riz, explique en substance Goo Goo. Le résultat évoque la cuisine thaïe, en moins épicé, moins sucré et pimenté, «plus nuancé dans les assaisonnements», souligne la cheffe nomade. Les différentes régions renvoient en effet aux traditions cousines des pays voisins. A l’ouest et à proximité des côtes, beaucoup de fruits de mer, du poulpe et des poissons. Au centre, des légumineuses, pois chiches, soja, haricots, des viandes macérées et apprêtées avec abondance d’huile et d’épices pour les préserver du climat très chaud et sec. Proche du Yunnan chinois et de la Thaïlande, l’Est du pays propose beaucoup de plats à base de nouilles, soupes et bouillons, surtout lorsque les températures se rafraîchissent. Le Sud enfin et les rivages de la mer d’Andaman abritent beaucoup de plantations de noix de coco et leurs currys associent poissons et lait de coco. Un peu partout sinon, les currys sont déclinés selon la région, la tradition et les cultures locales avec du lait de coco, de la pulpe de tamarin ou de la tomate.

Des plats emblématiques

Parmi les plats emblématiques de la cuisine birmane, le lahpet: de jeunes feuilles de thé vert – dont le pays est aussi producteur et grand consommateur – bouillies pour éliminer les tanins, puis fermentées en saumure deux semaines, sont assaisonnées avec du jus de citron vert et de l’huile et servies en salade avec du chou et de la tomate, un assaisonnement croustillant de cacahuètes, pois chiches et noix. Vu comme le plat national, le mohinda associe pour sa part les nouilles de riz et le curry de poisson ou de poulet. Autre incontournable, le bœuf braisé que cuisinait la grand-mère de Goo Goo pour les fêtes de famille. «La viande est marinée avec des épices: gingembre, curcuma, paprika, ail, oignon, feuilles, avant de mijoter plusieurs heures.» Les desserts et gâteaux, enfin, évoquent pour la plupart ceux des traditions indiennes, thaïes et chinoises.

Riz, currys et fermentations

Les techniques? Beaucoup de fermentations, notamment avec les eaux de trempage du riz, selon le principe bouddhique du zéro gaspillage. On fermente aussi de nombreux légumes, carottes, daikon, pousses et feuilles. Beaucoup de riz et de nouilles, de riz et de blé, beaucoup de currys.

La cuisine des monastères est omniprésente dans ce pays bouddhiste à 90 %, avec les tuniques couleur safran des religieux qui sillonnent chaque matin les rues pour recevoir les dons de toute nature de la population, avant de les cuisiner. «Le repas du petit-déjeuner est ainsi une manière de potluck géant, qui mélange tous les restes de la veille, macérés avec de l’huile de coco et des feuilles d’oseille, cuisinés en un curry géant. L’un va recevoir une cuisse de poulet, l’autre un œuf, etc. Les moines ne sont pas strictement végétariens, mais ils ont pour coutume d’accepter chacun des dons qu’on leur fait.»

«La cuisine birmane évoque la cuisine thaïe, en moins épicée, et plus nuancée dans les assaisonnements»

Phyu Cyn, dite Cheffe Goo Goo, cheffe de cuisine nomade


La cheffe a commencé à cuisiner avec des amis qui ont une ferme bio et aussi quand elle vivait en Angleterre, voici une dizaine d’années: «J’ai fait découvrir notre cuisine à des amis avec beaucoup de succès et de plaisir. A l’époque il n’existait aucun restaurant birman à Londres. Aujourd’hui, le Lahpet, du nom du plat emblématique, a deux établissements très appréciés à Shoreditch et dans le West End. Le Covid a contribué à inciter à la créativité; tout le monde s’ennuyait et j’en ai profité pour faire beaucoup de cuisine, découvrir les vins naturels, ma dernière passion, et explorer les accords mets-boissons.»

Dans une autre vie, la trentenaire était consultante en communication, notamment dans le secteur de la restauration; depuis le coup d’état, toutes les multinationales ont quitté le pays et il est devenu compliqué de voyager. Impossible de songer carrière en restant au pays. Phyu Cyn s’est reconvertie en cheffe nomade, avec Bangkok pour base arrière et organise des pop-up jusqu’à l’été; après l’Italie et Genève, Lyon puis la Suède.

(Véronique Zbinden)


Un repas unique à Genève

Phyu Cyn, dite aussi Cheffe Goo Goo, a été l’hôte du Refettorio Geneva pour un repas unique de levée de fonds, qui s’est déroulé le mercredi 11 mai à midi. Le soir, le même menu a été offert aux bénéficiaires du projet social de Walter el Nagar.

refettoriogeneva.org/accueil