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Mythes et clichés de la Suisse sous la loupe à Prangins

Dans le cadre de sa nouvelle exposition permanente, le Musée national suisse questionne l’identité helvétique à travers six salles thématiques et quelque 300 objets.

L’industrie alimentaire fait l’objet d’une salle dédiée dans la nouvelle exposition permanente du Château de Prangins. (DR)

La Suisse, c’est quoi? Tel est le titre de la nouvelle exposition permanente du Château de Prangins (VD), vernie le 18 juin dernier en présence de Vincent Kucholl et Vincent Veillon. La participation à l’événement des humoristes s’explique par la constance avec laquelle ils jouent, dans leurs sketches, avec les particularités culturelles et langagières de la Suisse, esquissant avec humour le portrait d’un peuple certes hétéroclite mais partageant un certain goût pour l’autodérision, dont la paire a fait son fonds de commerce. «La Suisse, c’est quoi?», c’est aussi la question que le Musée national suisse a posée à des écoliers de Prangins, Gland et Morges, qui ont partagé leur vision du pays où ils grandissent et parlé de l’un des quelque 300 objets exposés en expliquant leur choix.

Les objets pour dire un pays

Dès la première salle, les objets, d’ailleurs, jouent une place centrale dans la scénographie. On trouve ainsi, exposés dans une imposante vitrine, une trentaine d’articles dont une cloche de vache, un service en porcelaine, un ordinateur portable de la première génération ou encore le kit de toilette M-Budget remis aux migrants à leur arrivée en Suisse. La juxtaposition de ces objets répond à une volonté de documenter la vie quotidienne des Suisses à travers les âges, non pas en se limitant aux œuvres d’art ou autres objets de valeur, mais en cherchant à dépeindre une réalité protéiforme. Dans la salle dévolue à l’industrie alimentaire, conçue à l’image d’une épicerie de denrées coloniales, on trouve donc sans surprise quelques-unes des icônes helvétiques, à commencer par une tablette de chocolat au lait (une invention de Daniel Peter) et un contenant de produit de la maison Maggi (fondée par Julius Maggi). L’implication suisse dans le commerce des denrées coloniales est de son côté décrite sans langue de bois, tandis qu’une vitrine est dédiée au patrimoine immatériel incarné par les recettes de cuisine.

Le long combat des femmes

Quand on s’interroge sur l’identité helvétique, l’évocation du 18e siècle est un passage obligé. C’est à cette époque, dans le prolongement de deux œuvres majeures – Les Alpes d’Albrecht de Haller (1729) et Julie ou la Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau (1761) – que naît l’image idéalisée du pays, qui se construit à la fois de l’intérieur et de l’extérieur en puisant ses métaphores dans l’Antiquité et la Bible. Ce double cadre référentiel nourrit l’image d’une Suisse hors du temps, à l’écart des troubles de son époque, et porteuse de valeurs telles que l’humilité, la modestie, la sincérité, la bonté ou encore la générosité. C’est à cette époque aussi que les premiers touristes, pour la plupart lecteurs de Rousseau, débarquent sur les rives du Léman, où ils marchent sur les traces de Julie et Saint-Preux. L’essor de l’alpinisme, d’abord pratiqué par des étrangers, est une autre étape importante de la construction du pays, territoire occupé en grande partie par les Alpes, ce dont on se rend compte en contemplant la reproduction de la carte de Guillaume Henri Dufour, cartographe et général, qui lui a valu une médaille d’or à Paris et un sommet (le plus haut du pays) à son nom.

Le mérite de l’exposition est aussi de s’intéresser à la période contemporaine, notamment sous l’angle du combat que les femmes ont dû mener durant plusieurs décennies pour être reconnues comme des citoyennes à part entière.

(Patrick Claudet)


Davantage d’informations:

chateaudeprangins.ch