Quatre-cent-nonante-trois hôtels s’étaient annoncés en date du 21 mars pour accueillir des personnes fuyant la guerre en Ukraine. Un engouement qui réjouit Natalie Favre, porte-parole de Campax.
Tout commence par un appel à la solidarité lancé le 28 février par Campax à l’attention de la population suisse. L’association, qui se se présente comme le plus grand mouvement citoyen de Suisse, reçoit le même jour 2000 réponses. Et autant les jours suivants. Toutes émanent de Suissesses et de Suisses qui se disent prêts à accueillir à leur domicile des personnes ayant fui le conflit. «L’engouement nous a surpris, car nous avons émis beaucoup d’exigences: l’engagement doit porter sur au moins trois mois, il faut soutenir les personnes dans leurs démarches administratives et mettre à leur disposition un espace privatif», énumère Natalie Favre, porte-parole de Campax pour les questions relatives à l’accueil des réfugié-e-s d’Ukraine. Parmi les réponses, une autre surprise: un grand nombre proviennent d’hôteliers. Avant même qu’il ne soit question d’indemnisation, beaucoup font ainsi preuve de solidarité, comme ils l’avaient fait durant la pandémie en accueillant notamment le personnel soignant.
«Nous avons toutefois vite réalisé que notre formulaire n’était pas adapté pour les structures hôtelières. D’où le rapprochement avec le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) et Hotelleriesuisse, qui s’est chargé d’un second appel à la solidarité, cette fois ciblé sur ses membres.»
Sur un site dédié, Hotelleriesuisse détaille l’indemnisation à laquelle les hôteliers ont droit (lire encadré). L’organe faîtier précise également que «le SEM fera principalement appel aux établissements situés à proximité des centres fédéraux pour requérants d’asile», tandis que «les cantons solliciteront probablement d’autres établissements pour héberger des Ukrainiennes et Ukrainiens». Dans la pratique, un certain flou plane encore quant à la manière dont les réfugiés seront placés. D’ailleurs, beaucoup d’hôteliers qui se sont annoncés via la plateforme Campax attendent encore d’être contactés. Mais toutes les personnes interrogées se montrent compréhensives vis-à-vis de la situation d’urgence à laquelle la Suisse est confrontée.
Quid de leurs motivations? Elles sont tout sauf pécuniaires, à l’instar de celles de Daniel Leuenberger, propriétaire et directeur de l’Hôtel des Vignes à Uvrier (VS). «Dès que la guerre a éclaté, nous nous sommes demandés comment nous pourrions nous rendre utiles. Notre établissement dispose de quatre studios avec cuisine, nous les mettrons à disposition si on nous le demande. Quant au volet financier, nous avons décidé de tout prendre à notre charge», explique l’hôtelier, prêt également à employer les personnes qu’il hébergerait pour faciliter leur intégration.
Du côté de La Tour-de-Peilz (VD), Marie Forestier qui dirige l’Hôtel Bon Rivage donne deux raisons principales à son engagement personnel: «D’une part, nous avons bénéficié d’aides lors de la pandémie, alors c’est aujourd’hui l’occasion d’aider à notre tour; d’autre part, nos employés, très affectés par la situation, sont désireux de contribuer à l’accueil de ces populations», explique l’hôtelière qui offrira la pension complète à ses hôtes.
Il arrive aussi que des établissements comptent des collaborateurs d’origine ukrainienne. A l’Ibis Bulle La Gruyère, c’est le cas d’une ancienne collaboratrice et d’une fidèle réceptionniste. «Voilà pourquoi nous avons été tout de suite motivés à mettre à disposition entre 10 et 20 chambres, sur un total de 80», confie Sophie Rouvenaz, propriétaire et directrice, qui bénéficie grâce à son employée d’informations de première main sur la situation en Ukraine.
La solidarité émane aussi d’établissements qui véhiculent des valeurs chrétiennes. Propriété des Jésuites mais exploité de façon laïque par le CIS de Fribourg, le Domaine Notre-Dame de la Route à Villars-sur-Glâne (FR) en fait partie. Tout comme le Centre international réformé John Knox à Genève, qui, s’il ne s’est pas annoncé chez Campax, n’en a pas moins hébergé début mars une famille de neuf personnes gratuitement durant trois jours. La preuve que l’hôtellerie, face à l’horreur, se montre solidaire.
(Patrick Claudet)
Les hôteliers qui s’annoncent ont droit aux indemnisations suivantes: en cas d’hébergement de quatre nuits ou moins, le montant maximal appliqué par nuitée et par personne s’élève à 87.50 francs (TVA comprise); lorsque le séjour dépasse quatre nuits, le forfait ne doit pas dépasser 70 francs, et ce dès la première nuitée. Concernant le forfait de restauration, il est fixé à 10 francs pour le petit-déjeuner, 20 francs maximum pour le repas de midi et 10 francs maximum pour le repas du soir.hotelleriesuisse.ch/ukraine