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Deux cépages rares sublimés avec passion

La jacquère alpine et saline du Bugey, en France voisine, tend la main à un plus aromatique freiburger du Vully.

Au sein de la famille Simonet, dans le Vully, les vignes se cultivent depuis plus de 200 ans. (Photos DR)

Toujours une émotion de découvrir un vin alpin nouveau. Avec du croquant et une salinité finale qui pourrait nous emmener vers les parfums de la petite arvine, mais va finalement nous dépayser davantage pour défier le milieu lacustre. Influencé peut-être par le côté très confidentiel d’une région viticole française petite et peu connue, Le Bugey, et nous conduire vers les rives d’un autre secret bien gardé, le Vully.

Elevé six mois en fûts d’acacia

Cela se passe lors d’une dégustation de Business France, à Lausanne, Charles Varin-Bernier doit se faire une place tout près d’élégants vignerons de Haute Côte de Nuits, en Bourgogne, beaucoup plus prisés. Mais, artisan du goût, Charles Varin-Bernier aime la tradition de l’accueil du Bugey et la perpétue en fromager affineur depuis 30 ans et en vigneron depuis dix ans, comme propriétaire du domaine Monin. Il y poursuit un savoir mené depuis 80 ans sur huit hectares et demi sur un sol principalement calcaire. «J’y cultive des parcelles en montagne, sur un rayon de 10 kilomètres autour de notre village typique de Vongnes, situé à une heure de la frontière suisse.» Avant un vin qui nous fait penser à un autre, Charles Varin-Bernier, dans son style raffiné, décontracté et précis qui prend le temps de faire vivre une dégustation, nous évoque la présence singulière et douce du Genevois Jean-Pierre Pellegrin.

Charles Varin-Bernier nous fait entrer dans l’univers de ses vins, en bio depuis 2007, par un effervescent, un chardonnay brut assez classique, aux arômes floraux et au final de tilleul. Comme pour retarder un voyage plus rustique, mais essentiel, vers la jacquère, un cépage qui peut sembler peu expressif, mais qui impose sa singularité sur le millésime 2024. Le vigneron l’élève six mois en fûts d’acacia, ce qui amène des notes herbacées, sans trop marquer le vin. On apprécie cette bouche de pêche blanche et cette longueur minérale, puis ce final salin. L’étiquette suggère la présence d’arbres parmi les vignes et laisse sourdre les montagnes au loin comme dans un rêve mystérieux.


Dans les deux domaines, le même respect de la nature


Comme une eau parfumée au yuzu

Ce n’est qu’en rencontrant le second vin au Swiss Vintage Award, à Zurich, là aussi dans un coin un peu retiré, que nous pensons à associer nos impressions. Comme si ces vins, ces cépages minoritaires, nous demandaient de prendre la parole. Fabrice Simonet de la cave familiale de 16 hectares Le Petit Château, à Môtier, dans le Vully, région assez confidentielle mais portée par de jeunes talents, aime défendre le freiburger ou freisamer, un cépage très rare en Suisse qui représente en tout moins de 10 hectares. Un cépage allemand issu d’un croisement entre le sylvaner et le pinot gris, qui donne des raisins très petits, concentrés en sucre et en acidité. Il fait son apparition en 1950 dans le Vully, son nom aide à l’identification fribourgeoise. Il est cultivé sur des sols issus de grès cristallin typique des 150 hectares du Vully. Son élevage sans fermentation malolactique lui donne aussi un aspect minéral et une pointe saline. A priori des particularités assez éloignées de la Jacquère, mais leur discrétion, leur délicatesse peuvent les rapprocher. Ces vins soulignent très bien un fromage de chèvre frais, ne le recouvre pas.

Charles Varin-Bernier dans ses vignes du Bugey, en France voisine.

Ce freiburger 2024 propose un arôme ample de poire en entrée de bouche, puis frappe par sa trame de sureau et son côté automnal avec des étincelles de châtaignes et de miel. On aime cette légèreté, comme une eau légèrement parfumée au yuzu mais aussi à l’inverse cette douce amertume qui rappelle certains Johannisberg. Sur des millésimes plus ancien apparaît l’exotisme de l’ananas. Ici, sur l’étiquette du Petit Château toute fine, située au bas de la bouteille, apparaît juste une flèche et une ligne à peine esquissée. On apprécie le côté pur et droit développé sur les monocépages blancs dans une cave, qui sur les rouges, privilégie parfois plus la complexité des assemblages à la manière de Bordeaux.

(Alexandre Caldara)


Davantage d’informations:

domaine-monin.fr
lepetitchateau.ch/fr