La finale milanaise a vu la victoire d’un jeune chef américain et donné quelques idées au mentor suisse André Jaeger.
Au terme d’une compétition de deux jours qui s’est tenue en fin de semaine dernière à Milan, et durant laquelle les vingt finalistes régionaux du concours mis sur pied par S.Pellegrino se sont affrontés dans le complexe The Mall au cœur du quartier ultramoderne de Porta Nuova, l’Américain Mitch Lienhard a remporté le titre de Young Chef 2016. Avant de soulever le trophée, il a néanmoins dû apprêter à deux reprises encore son plat signature, un canard rôti aux oranges épicées et ignames, sous l’œil bienveillant de son mentor Dominique Crenn. Très impliquée et attentive à chaque détail, la cheffe 2 étoiles de l’Atelier Crenn à San Francisco s’est réjouie de cette victoire qui marque selon elle le début d’«un héritage culinaire américain». Samedi, à l’issue de la phase qualificative, Mitch Lienhard était face aux deux autres finalistes désignés par les «sept sages» (Gaggan Anand, Elena Arzak, Mauro Colagreco, Carlo Cracco, Wylie Dufresne, David Higgs et Roberta Sudbrack), le Japonais Shintaro Awa représentant la France et coaché par Yannick Alléno et l’Espagnol David Andrés soutenu par Andoni Luis Aduriz, dont il a loué les qualités au même titre que celles des autres concurrents.
Au-delà de la formidable concentration de chefs étoilés et de la qualité intrinsèque du show proposé par S.Pellegrino, la finale du concours a mis en lumière une certaine idée du terroir. Dans sa présentation face au jury, Mitch Lienhard a relevé la dimension personnelle de son plat qui évoque ses souvenirs d’enfance dans le Michigan, là où chaque automne planait l’odeur des feuilles brûlées dans son quartier. Sans être dans le secret des délibérations qui ont duré plus longtemps que prévu, d’où le petit flottement sympathique intervenu au sein d’une soirée sinon parfaitement minutée, on se doute que la touche émotionnelle apportée par le chef du Manresa à Los Gatos, en Californie, a fait mouche. Elena Arzak, émue, a déclaré qu’elle n’oublierait jamais le fumet dégagé par le canard présenté par le chef lui-même – «l’odeur de mon enfance», a-t-il reconnu non sans émotion.
Dans le même esprit, Alessandro Salvatore Rapisarda, le finaliste italien auréolé du prix récompensant la meilleure interprétation contemporaine de la tradition, a fait référence à plusieurs reprises aux Marches. Sa région d’origine lui a en effet inspiré son risotto alla marinara, grâce auquel il s’est dit ravi d’avoir pu placer «sa» cuisine sur l’atlas de la gastronomie mondiale. Bien que représentant la France, Shintaro Awa s’est lui aussi référé à son pays natal, le Japon, dont il a emprunté un certain nombre de techniques pour son plat sobrement intitulé maquereau et pommes de terre.
Mentor de la finaliste helvétique Anne-Sophie Taurines, André Jaeger a été le témoin privilégié de cette mise en avant d’un terroir aux accents intimistes. «Le niveau général du concours m’a impressionné et donné quelques idées sur la manière dont nous pourrions à l’avenir le préparer de manière plus efficace encore. Dans l’élaboration de son plat, Anne-Sophie a eu la bonne idée de fumer son saumon au foin. Après avoir vu la mise en scène déployée par certains concurrents, je me dis que nous aurions pu mieux valoriser ce procédé et l’intégrer à la présentation du plat», confie l’ancien chef étoilé du restaurant Fischerzunft à Schaffhouse. Prolongeant sa réflexion, l’Argovien estime que le terroir helvétique, qui compte de nombreux produits authentiques (saucisses, fromages, etc.) dont la pérénité est menacée en raison du déclin de certaines professions, pourrait servir de point de départ aux futurs candidats.
De son côté, Anne-Sophie Taurines est satisfaite de sa prestation en dépit de quelques menus problèmes techniques, mais elle ne cachait pas sa déception à l’issue de la remise des prix: «J’aurais aimé en effet compter parmi les trois jeunes chefs sélectionnés pour la dernière étape. André et moi avions d’ailleurs commencé à réfléchir à la manière de faire évoluer le plat.» La Bagnarde d’adoption se dit toutefois ravie d’avoir participé à l’aventure, et encore plus de s’y être investie aux côtés d’André Jaeger. «Nous avons beaucoup échangé à la suite de la finale suisse, d’abord par e-mail et téléphone, puis de vive voix quand il est venu me trouver à Verbier. Aujourd’hui, si je n’ai pas l’intention de me lancer tout de suite dans un nouveau concours, j’aimerais contribuer à la promotion de Young Chef en Suisse.»
En attendant la prochaine édition, les convives milanais du dîner de gala ont pu se rassurer quant à la puissance évocatrice du terroir grâce au menu signé Massimo Bottura, surprenant et émouvant de bout en bout, qu’il s’agisse des «lentilles presque meilleures que le Beluga», des lasagnes dévoilant leur «part croustillante» ou d’une pièce de veau «psychédélique et cuite sans flamme».
Patrick Claudet
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