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«Pour Paul Bocuse, j'étais Monsieur Patate»

Figure emblématique du Bocuse d’Or, le Fribourgeois Lucien Mosimann a quitté le comité mais reste actif au sein de l’Académie suisse.

Même s’il a officiellement quitté le comité, Lucien Mosimann restera impliqué dans l’Académie suisse du Bocuse d’Or. (DR)

HGH: Lucien Mosimann, vous avez annoncé en juin lors de la dernière finale suisse du Bocuse d’Or que vous quittiez le comité. De quelle manière avez-vous pris cette décision?

Assez naturellement, je dois dire. J’aurais déjà souhaité arrêter plus tôt, mais je ne voulais pas m’en aller sans avoir l’assurance que la relève serait assurée. L’essentiel, c’était de donner une nouvelle structure à l’Académie suisse du Bocuse d’Or et de trouver les bonnes personnes pour poursuivre le travail. Maintenant que c’est le cas, je suis heureux de pouvoir passer le témoin avec sérénité.

Comment cette nouvelle organisation s’est-elle imposée?

Au début, nous étions trois: Philippe Rochat, Dario Ranza et moi. L’équipe s’est étoffée au fil des ans, mais elle est globalement restée centrée sur un petit groupe de personnes. Or, comme nous avons eu plusieurs candidats qui ont fait d’excellents résultats, il est vite apparu que nous manquions un peu de professionnalisme. C’est pour cette raison qu’est née la commission technique, composée uniquement d’anciens candidats au Bocuse d’Or. Et pour cause: ils connaissent le concours de l’intérieur et savent ce qu’il représente.

Qui a rejoint le comité de cette commission technique?

D’abord Romain Wanner au printemps, puis Christoph Hunziker, qui a participé deux fois au concours (2015 et 2023), le Tessinois Teo Chiaravalloti, qui a représenté la Suisse en 2013, et Filipe Fonseca Pinheiro, finaliste en 2017, qui est l’un des deux chefs de cuisine du Restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier. Tous ont amené une expérience précieuse, beaucoup d’enthousiasme aussi. En parallèle, nous avons approché Beat Weibel, qui accompagne l’Académie depuis plus de vingt ans. Il connaît bien la maison, les concours et les réseaux – il a notamment présidé le Cercle des chefs de cuisine de Berne. Il a d’abord hésité mais finalement accepté de relever le défi.

Resterez-vous malgré tout impliqué?

Oui, je quitte le comité, mais je ne disparais pas. Je vais soutenir Beat dans sa prise de fonction, épauler Franck Giovannini, président de l’Académie, et Anna Pernet, la coordinatrice. Et je garde un œil attentif sur les partenariats, un volet auquel je tiens beaucoup et qui a largement contribué au développement de l’Académie.

Quid du début de l’aventure: comment tout cela a-t-il démarré pour vous?

Tout a commencé en 2000. J’assistais à Lyon au concours où Dario Ranza représentait la Suisse. Je voyais bien la différence avec des pays comme la France, qui disposait de huit ou neuf assistants, alors que Dario faisait tout luimême. Philippe Rochat avait financé sa participation de sa poche et s’en était indigné dans la presse. Je lui ai écrit sans le connaître, afin de lui proposer une collaboration. Trois jours plus tard, je buvais un café chez lui à Crissier, et nous discutions déjà de la première sélection suisse organisée ensemble à l’Ecole professionnelle de Montreux. Le début d’une longue histoire, longtemps associée au Cuisinier d’Or, que mon entreprise de l’époque, Kadi, organisait.

Quelles ont été, depuis, les étapes marquantes?

Le Bocuse de Bronze de Franck Giovannini à Lyon en 2007 reste un moment fort, bien évidemment. Tout comme les cinquièmes places de Stéphane Décotterd l’année suivante et de Mario Garcia en 2017, ou encore l’organisation en 2010 de la Sélection européenne à Genève, devant entre autres 2450 apprentis cuisiniers. Nous avons aussi accueilli trois fois Paul Bocuse à Berne, ce qui a marqué l’esprit de tous les participants.

Des anecdotes savoureuses?

Paul Bocuse, lui toujours, m’avait surnommé Monsieur Patate parce que je travaillais chez Kadi. Un jour, il m’a dit que seules ses brigades savaient faire les pommes soufflées. J’ai pris le pari de lui en faire livrer trois cartons. Peu après, il m’a envoyé un mot: il reconnaissait leur qualité, tout en précisant qu’elles venaient juste après celles de son restaurant. J’ai pris ça pour un compliment.


«Une étape marquante? Le Bocuse de Bronze de Franck Giovannini»


Vous évoquiez Franck Giovannini. Quelle place occupe-t-il aujourd’hui?

Franck est central. Je l’ai connu lorsque Dominique Bucher, finaliste en 2004, s’entraînait à Crissier. Très vite, il a pris goût au concours et s’est lancé lui-même, jusqu’à décrocher le bronze. Depuis, il n’a jamais cessé d’accompagner les candidats. Il incarne l’esprit de transmission propre au Restaurant de l’Hôtel de Ville.

Justement, quel rôle joue Crissier dans cette histoire?

Un rôle fondamental. Depuis les chefs Philippe Rochat et Benoît Violier, héritiers de la maison créée par Frédy Girardet, et aujourd’hui avec Franck Giovannini, Crissier est le cœur battant du Bocuse d’Or en Suisse. L’Académie y a d’ailleurs son siège.

Le concours est devenu plus exigeant au fil des années. Est-il facile de trouver des soutiens pour accompagner les candidats?

Ce n’est jamais évident, mais nous avons la chance de pouvoir compter sur des partenaires fidèles depuis 2007, qui nous suivent avec enthousiasme et loyauté. Nous travaillons dans la durée et dans la confiance, sans multiplier les sponsors concurrents. Quant aux institutions suisses, nous avons eu de nombreux contacts, mais sans vraie collaboration à ce jour. Ce soutien officiel serait pourtant bienvenu.

(Propos recueillis par Patrick Claudet)


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